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Photo du rédacteurMarie-Odile André & Johan Faerber

Laure Defiolles : « Le deuxième roman est tout simplement l’étape où l’on sait qu’un écrivain est capable (ou pas) de transformer l’essai »


Laure Defiolles (c) Miliosam

Difficile d’ouvrir un dossier consacré aux premiers et deuxièmes romans sans partir à la rencontre d’éditrices ou d’éditeurs dont les maisons se concentrent sur la défense des jeunes auteurs. Nommée directrice éditoriale d’Alma depuis janvier 2022, Laure Defiolles, qui a longtemps œuvré aux Editions de Minuit, a accepté de répondre aux questions de Collateral sur la place que les primo-romancières et les primo-romanciers occupent dans son riche et stimulant catalogue.



Vous êtes depuis quelques années bientôt à la tête de la très belle maison Alma. Pouvez-vous nous dire en quoi l’une de vos lignes éditoriales fondatrice consiste en la défense des premiers romans, comme par exemple en cette rentrée, Les Caractériels de Martial Cavatz ?

 

Lorsque Jean-Maurice de Montremy et Catherine Argand ont créé Alma Editeur, c’était effectivement une des lignes fondatrices de la maison. En littérature française, ils avaient fait le choix de publier deux ou trois premiers romans par an et de suivre les auteurs et autrices à partir de leurs débuts. C’est ainsi que le catalogue s’est construit. Aujourd’hui, je n’exclus pas d’accueillir chez Alma de nouveaux auteurs et de nouvelles autrices ayant déjà été publié.e.s (c’est le cas pour Avril Ventura, ou encore Hadia Decharriere), mais j’ai avant tout à cœur de poursuivre la « mission » de découvrir et faire découvrir de nouvelles voix ; Sergio Aquindo, Lucas Belvaux, Marie de Chassey, Marie Maher, Juliette Willerval en font partie, et, en cette rentrée, Martial Cavatz.

 

 

A la réception du premier roman, d'une nouvelle autrice ou d’un nouvel auteur, quels sont les critères qui vous incitent à publier : la rencontre d'une écriture qui ne va pas en demeurer à un seul roman, au premier roman ? Projetez-vous déjà la possibilité d'une œuvre ?

 

Oui, c’est d’abord une écriture, un son, une façon de dire et de raconter qui me touchent, qui me réjouissent et me surprennent. Puis viennent la rencontre avec l’auteur ou l’autrice, les premières discussions autour du livre qui sont tout autant déterminantes. On sent très vite, lors de ces premiers échanges, s’il y a une envie d’écriture ou simplement une envie de raconter cette histoire-là, mais aussi si l’on va pouvoir « cheminer » ensemble. Car éditer, selon moi, c’est aussi accompagner, et il est essentiel qu’éditeur et auteur aient une idée commune de l’endroit où l’on souhaite emmener le livre, une vision et une exigence littéraires partagées. On n’est jamais certain qu’il y aura une œuvre, mais l’on peut projeter la possibilité qu’une aventure littéraire et humaine se poursuive ensemble (et l’espérer).

 

 

Comment défendez-vous auprès de la presse et des libraires vos primo-romancières et vos primo-romanciers ? Pensez-vous que le marché soit favorable à leur développement ?

 

C’est un vrai travail d’équipe que nous commençons très en amont avec Tiffany Meyer, pour la presse, et Virginie Migeotte, pour la librairie, mais aussi avec la diffusion. Mais je ne crois pas défendre différemment les primo-romancières et primo-romancières par rapport aux autres autrices et auteurs du catalogue, chaque livre demande toujours un engagement particulier afin de cibler au mieux là où la réception sera la plus efficace. En ce qui concerne le marché, la curiosité est malgré tout de plus en plus difficile à susciter. Je constate que s’il existe une véritable attention portée aux premiers romans – et qui est d’ailleurs plus importante au moment de la rentrée littéraire, que ce soit dans la presse ou en librairie –, cela n’empêche pas que leur mise en avant n’est jamais faciles et d’autant plus lorsque l’on est une petite maison d’édition… il faut déjà parvenir à convaincre journalistes ou libraires à ouvrir le livre avant d’espérer un article ou un coup de cœur… Je suis très transparente avec les auteurs et autrices sur ces questions, et surtout lorsqu’il s’agit bien entendu de leur premier roman, cela fait aussi partie du rôle d’accompagnatrice : être là avant, pendant et après l’écriture…

 

 

Vous avez longtemps œuvré avec force aux éditions de Minuit dont on sait que Jérôme Lindon n'hésitait pas à refuser les deuxièmes romans d'auteurs ou d'autrices dont les premiers récits avaient pu pourtant connaître une fortune critique ou publique. Considérez-vous également que le deuxième roman constitue un point névralgique ? 

 

Le deuxième roman est parfois une étape compliquée pour l’autrice ou l’auteur. Lorsque la réception critique et publique du livre a été très favorable, ce succès peut à la fois leur donner confiance et les « porter » dans l’écriture, mais aussi entraîner un blocage, car il est évident que l’idée qu’il puisse y avoir certaines attentes est susceptible de créer une forme de pression. Par ailleurs, on a tellement chargé symboliquement ce passage du deuxième roman, que beaucoup (auteurs comme éditeurs) l’abordent avec angoisse et a priori… Peut-être faudrait-il « désacraliser » un peu tout ça… Sans aller jusqu’à dire que c’est un point névralgique, je crois que le deuxième roman est tout simplement l’étape où l’on sait qu’un écrivain est capable (ou pas) de transformer l’essai. Mais là encore, chaque autrice, chaque auteur, chaque livre et chaque trajectoire sont différents…




Premier roman paru en cette rentrée chez Alma :

Martial Cavatz, Les Caractériels, Alma éditeur, août 2024, 180 pages, 18 euros


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