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Photo du rédacteurJohan Faerber

Laure Gauthier : « Quand on commence à écrire, tout dialogue : depuis les paysages qu’on traverse jusqu’aux films, aux rencontres » (Mélusine reloaded)


Laure Gauthier (c) droits réservés


Troublant et magnétique : tels sont les deux termes qui viennent immédiatement à l’esprit après avoir refermé le si singulier nouveau texte de Laure Gauthier, Mélusine Reloaded qui vient de paraître chez José Corti. Comment aborder ce premier roman qui, à dire vrai, n’en est pas véritablement mais tournoie, avec joie, avec inquiétude dans tous les genres emportée par une figure reine, la fée Mélusine. Une fée qui se découvre éminemment politique : féministe, écologiste et plus que tout décidée à ne pas demeurer une passante muette. Dans ce poème continu, Laure Gauthier trouve une puissance d’écriture qui fait de son récit l’un des plus remarquables de cette rentrée. Collateral est allée à sa rencontre le temps d’un grand entretien.



Ma première question voudrait porter sur votre troublant premier roman, mélusine reloaded qui paraît en cette rentrée littéraire chez José Corti. Dans quelles circonstances exactes est né ce récit pour le moins singulier au cœur duquel, quelques années après notre époque, reprend vie le personnage de mélusine, à son insu « devenue une légende touristique française ou plutôt son nom l’était devenu car elle, personne ne la connaissait » ? Y a-t-il eu une lecture, une œuvre en particulier qui ont nourri chez vous le souhait de reprendre cette figure même de mélusine qu’on découvre aux premières pages de votre récit comme « une passante muette » ? Reloaded peut ainsi faire penser à Matrix Reloaded, mélusine étant comme Neo confrontée au choix d’une dragée rouge ou d’une dragée bleue : le film des sœurs Wachowksi a-t-il été une source d’inspiration ?

 

Il est toujours difficile de reconstituer a posteriori ce moment d’embrasement pas toujours conscient qui mène à l’écriture d’un livre ! Vers 2017-18, j’ai commencé à me plonger avec excès dans les contes dont les personnages principaux étaient des êtres-fée, mi-animal, mi-humain, et surtout des serpents, en analysant des mythèmes, en observant ce que les cultures y projetaient de peurs mais aussi les utopies que ces êtres hybrides portaient. C’est à l’époque que j’ai commencé à imaginer une réécriture du Serpent blanc, un conte médiéval chinois qui sera publié dans outrechanter (à paraître à La Lettre volée, janvier 2025). C’est à ce moment-là que j’ai lu différentes versions de l’histoire de la fée Mélusine, notamment celle de Jean d’Arras et celle de Coudrette. J’ai alors traversé un certain nombre d’autres mélusines anciennes ou contemporaines (BD, séries, récits, recueils poétiques etc.), avant de laisser de côté ces textes pour écrire mon propre récit. Mes textes prennent souvent appui sur des sujets « communs » : des lieux, des espaces communs au sens strict – que ce soit les EHPAD, les supermarchés ou les grottes préhistoriques (les corps caverneux, LansKine 2022) – ou des textes qui traversent les époques et ont donné lieu à de nombreuses réécritures comme La Divine Comédie (la cité dolente, LansKine, 2023), Le testament de Villon (je neige (entre les mots de villon) ou encore l’histoire de Kaspar Hauser maintes fois réécrite (kaspar de pierre, La Lettre volée, 2017). J’ai commencé vers 2018-19 à écrire des esquisses, à appréhender les « trous » de la légende, ce qui avait été laissé hors-champ, à imaginer ce que la transposition de certains motifs pouvait faire émerger d’imaginaire. La fée m’intéressait particulièrement pour son hybridité mais aussi pour ses qualités : généreuse et constructrice, architecte magique pour ainsi dire, des attributs très rarement accordés aux femmes. Sa « récupération » historique par la maison de Lusignan aussi m’intéressait, à savoir comment on a fait entrer un être magique issu de contes orientaux et nordiques ainsi que de légendes régionales dans une histoire politique.

 

J’ai engagé une réflexion plus poussée sur la nécessité de « continuer » les contes, de réarticuler ces récits qui s’écrivent de tout temps et qui traversent les frontières géographiques, culturelles et linguistiques. Face à l’aggravation des conditions politiques et écologiques en Europe et dans le monde, il y a eu pour moi une nécessité dystopique. Ce que j’aime dans le conte, c’est mettre en tension utopie et dystopie, donc maintenir l’imaginaire ouvert, inventer un monde meilleur tout en offrant un miroir critique du nôtre. Ça a été le point de départ : offrir une variante complète de l’histoire de Mélusine, voir ce qu’un être mi-animal, mi-humain aurait à dire sur notre société.

Quand on commence à écrire, tout dialogue : depuis les paysages qu’on traverse jusqu’aux films, aux rencontres. Tout converge vers le livre écrit. C’est donc tout naturellement qu’à la lecture de contes anciens et contemporains est venue s’agréger celle de récits dystopiques mais aussi de films de science-fiction, et, en tout premier lieu, les deux premiers Matrix des sœurs Wachowksi : le titre de mon livre met en tension le Moyen Âge littéraire et Matrix reloaded. Il y a dans Matrix une question essentielle qui est posée : la possibilité de lutter contre une totalitarisation « invisible », contre cette « matrice » qui me semble une image réussie de ce qu’est la dictature de l’argent et du capitalisme excessif dans nos sociétés occidentales ou des pouvoirs anonymes, non ancrés géographiquement, donc quasi insondables s’insinuent partout et nous désingularise. J’avoue que je trouve l’idée de Matrix supérieure à sa réalisation, même si j’aime le premier film de cette tétralogie. Dans mon texte, il y a seulement quelques allusions au film. Un clin d’œil de loin. Il faut reconnaître à la science-fiction de chercher à être en avant du réel et de fonder son propos sur une connaissance fine et de la science et des dysfonctionnements de nos sociétés. Alors c’est tout naturellement que des éléments science-fictionnels et filmiques ont dialogué avec des sources médiévales et des fables anciennes. Mélusine reloaded est née au confluent de beaucoup d’influences.

 


Avant d’entrer au cœur de votre récit, une question peut-être liminaire d’ordre générique : mélusine reloaded s’offre comme un roman, vous dévoilant en cette rentrée comme une primo-romancière alors que, jusqu’à présent, vous étiez considérée comme une poétesse. Comment avez-vous opéré ce saut générique et le considérez-vous comme un saut générique ? Plus largement, parleriez-vous d’un roman poétique, votre texte s’ouvrant sur Nadja qui peut en être un exemple ? Serait-ce un modèle générique ? Cette question de la poésie, et de la versification, libre ou métrique, paraît se poser depuis la question de l’amour comme cette réflexion de votre récit l’entend : « L’amour est un présent, c’est ça qui défrise les comités scientifiques. L’amour marmonne toujours quelque chose en sourdine. C’est assez, pas besoin de sonnet. » Le sonnet est donc devenu inutile ?

 

Mélusine reloaded a déplacé mon écriture. J’ai une conception très ouverte des frontières entre les genres comme entre les pays. Les frontières sont là pour structurer et aussi pour permettre leur dépassement. Mélusine reloaded est un roman en effet, un récit fictionnel écrit en prose. Pour moi, c’est un conte avant tout et en ce sens un projet poétique, peut-être moins au sens générique qu’au sens où il élargit la fonction imaginaire mise à mal dans nos sociétés de consommation. Il propose aussi des éléments utopiques qui vont en ce sens et qui, pour moi, font partir de la poésie. Les contes étaient un des versants de la poésie. Alors certes le mien n’est pas en vers même si, à certains moments, l’écriture s’en rapproche. Le travail sur la langue est important dans les romans de poètes. C’est pourquoi j’aime particulièrement cet endroit de la littérature dans le passé comme dans le présent.

C’est un saut générique en ce sens que, même s’il y a dans mes livres de poésie un fil narratif, il y a cette fois une histoire, des personnes (je ne dirai pas personnages), et le livre n’avance pas que par rapport à la langue mais aussi à la fiction qui se construit dans des espaces-temps fictifs. Un univers complexe est mis en place au premier chapitre, un monde avec une géographie, des modes de vie, des architectures, une temporalité : c’est une différence importante qui m’a demandé un travail spécifique, qui m’a aussi permis de dire autre chose et m’a appris beaucoup. Le caractère plus homogène du récit, la construction d’un univers fictionnel, tout cela m’a déplacée profondément. Je m’empare néanmoins du roman depuis la poésie. Les romans de poètes sont des romans auxquels je tiens particulièrement ; cela vaut pour la période romantique, mais aussi surréaliste ou contemporaine. L’intrusion de poètes dans le monde de la fiction et de la narration en prose empêche souvent de tomber dans des automatismes génériques. Ces pas de côté dans le genre de l’autre sont souvent fructueux. Par ailleurs, j’ai été formé à la littérature de langue allemande, où, au plus tard depuis le début du 19e siècle, roman et poésie s’enrichissaient mutuellement aussi bien chez Novalis (Ofterdingen) que chez Goethe (Wilhelm Meister), et plus tard par exemple chez Bachmann (Malina).

 

Pour moi forme et fond sont indissociables. Je cherche avant tout que ce que je dis et comment je le dis procède de la même coulée de lave. Chaque texte est une constellation. Je tiens en haute estime des sonnets d’époques diverses et de différentes cultures que ce soit d’Inés de la Cruz ou de Rimbaud. Mais je crois vraiment que l’avènement de la démocratie politique a généré le vers libre et que loin de s’en offusquer ou de le déplorer comme quelque chose d’informe, on doit l’accepter, le travailler et donc singulièrement le réinventer. Je n’entends pas me lancer dans des débats de tranchées sur les formes poétiques codifiées : il va de soi qu’on peut aujourd’hui encore écrire parfois des sonnets qui peuvent être nécessaires, mais cela ne peut être une solution générale comme peindre à la fresque dans une caverne n’a pas la même signification aujourd’hui qu’à l’époque où c’était culturellement nécessaire : le recours à des formes anciennes peut se justifier dans certains projets mais de façon limitée, comme la citation d’un univers du passé peut éclairer sporadiquement certains aspects contemporains. Composer sur instrument baroque aujourd’hui peut présenter une nécessité mais forcément pour faire entendre un déplacement. Mélusine reloaded qui articule un projet d’avenir est nécessairement en prose même si parfois le texte présente des rimes internes comme clin d’œil aux contes versifiés. Les moments trop consonants dans mon texte dénotent des moments totalitaires, tout comme l’envahissement de la langue par des acronymes.  

 

Arriver à inventer à chaque livre des formes nouvelles est sans doute le plus difficile comme il est difficile d’être libre. Mais l’enjeu d’inventer en même temps une pensée et une forme indissociables est un moment de vigilance poét(h)ique. Je ne peux pas croire que ce soit un hasard que les périodes non démocratiques aient produit des rythmes poétiques réguliers, des vers contrôlés et que la démocratie ait commencé à faire vaciller cela : évidemment, les périodes d’ébranlement des codes font des merveilles, ces moments de tension entre la tradition formelle et sa mise à distance. Après, on ne peut pas indéfiniment remettre en cause le même code, sinon ce procédé de sa force et devient un exercice de style. Mais il peut être nécessaire d’investir en conscience une forme ancienne, comme l’a fait très bien Jacques Roubaud dans ses sonnets. De mon côté, il m’a été nécessaire de recourir une unique fois à une forme fermée, dans « le serpent b. » (à paraître dans outrechanter) où j’utilise une double sextine interrompue qui pulse dans le texte des mouvements concentriques et serpente en dialoguant avec la légende du serpent du Moyen Âge chinois.

 


Pour en venir au cœur même de mélusine reloaded, l’essentiel du récit se construit donc autour d’une réécriture et d’une actualisation de la figure même, mythique, de mélusine. Mais votre mélusine s’offre dans une originalité où, comme débarrassée de sa puissance mythique même, elle s’expose comme personnage nu, dans un monde pris dans une fureur matérielle. Vous dites ainsi significativement : « Face aux engins fabriqués par l’homme, mélusine n’a pas de pouvoir surnaturel ». Ou encore : « On dit d’elle qu’elle est mélusine, maintes fois maudite, mais elle est un présent. » Est-ce que la phrase suivante ne pose pas votre programme même de réécriture : « Prendre le chemin de mélusine, c’est accepter de marcher à marée basse sans objets, cheminer fragiles et équipés sans épopée » ?

 

Il a été important de débarrasser la fée de ses représentations et de revenir à la source de la légende ; j’ai conservé des éléments de celle-ci sans toutes les images d’Épinal qui se sont développées au fil des siècles autour et à partir d’elle. Je ne souhaitais pas en rester au « musée Mélusine », à savoir refaire l’iconographie représentant la fée s’échappant par la fenêtre de la tour de Lusignan, pas plus que ne m’intéressait de continuer la « Mélusine femme enfant » à la André Breton ni même de créer une sorcière new age aux super pouvoirs comme dans certaines BD.  Il s’est agi pour moi de remettre en circulation le récit, de reprendre certains mythèmes en interrogeant la transgressivité de certains motifs pour créer un univers qui dit quelque chose du nôtre et esquisse un avenir.

Les récits anciens nous présentent la fée comme une femme serpent, généreuse, courageuse et architecte magique. Je suis partie de ces éléments que j’ai redistribués. Au début de mélusine reloaded, mélusine (le nom de mélusine est écrit systématiquement sans majuscule dans le roman) apparaît épuisée, lasse des représentations qu’on fait d’elle. Elle vient repenser le monde effondré, post-démocratique et multipollué dans lequel elle se trouve. Si j’ai gardé des éléments de la fable (la forêt, la rencontre avec raymondin près d’une fontaine, le caractère constructeur de la fée, la nature mi-animale mi humaine, l’interdit etc.), j’ai fait dévier en profondeur le récit que j’ai recomposé pour construire un livre qui est à la fois un roman d’anticipation, une satire et un conte.

L’être-fée devient dans mon livre un être qui, de par sa nature animale et humaine, perçoit les dangers écologiques et politiques avec une acuité particulière. Par ailleurs, sa prodigalité et sa fureur constructive, sont des vertus qui ont rarement été associées aux femmes et il était important pour moi de partir de cette première caractérisation. Si mélusine « reloadée » apparaît comme dépouillée de tout pouvoir surnaturel, elle pense en revanche le monde dans lequel elle s’inscrit et, le reformulant, le transforme. J’ai voulu souligner que le mouvement de la fée, n’est pas celui de l’escapisme, de la disparition par la fenêtre, seule façon au Moyen Âge de faire accepter le caractère émancipateur de la femme-serpent qui bousculait les codes moraux. Bien au contraire, si mon texte relève d’un réalisme magique, mélusine agit sur le monde. Être fée et hybride, elle fait face par la pensée et invente de nouveaux modes de vie qu’elle propose à la collectivité : penseuse, architecte, femme politique écrivant, voilà mélusine à l’œuvre qui réinvente le récit de son temps, reformule la matrice. C’est ce que peut la littérature : inventer un monde qui est un miroir déformant du nôtre mais aussi imaginer une utopie qui propose des germes d’avenir. Pour cela, je choisis le chemin du conte, genre qui est commun à l’Orient et l’Occident, qui circule dans toutes les cultures, traverse les géographies et les époques plutôt que l’épopée qui est fondée sur l’exaltation d’un fait ou d’une personne ou d’un lieu. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas conscience de l’immense valeur et nécessité des épopées du passé, de Homère à Virgile jusqu’à Broch, mais une nouvelle fois, c’est un choix poéthique que de préférer aujourd’hui un genre cosmopolite où les natures, humaine et animale, se composent et se recomposent. Le réalisme magique des contes et leur dimension à la fois dystopique et utopique sont un chemin que j’arpente à un moment de l’histoire européenne où l’on sent à la fois un basculement dans le totalitarisme et une accélération de la dévastation des réserves naturelles.

Mélusine a conscience de sa propre fragilité, des limites du monde qui court à sa perte, elle est un nom commun, sans majuscule, un reflet de « nous », tandis que la société post-démocratique croule sous les acronymes et les majuscules. Quand la fée accepte la fragilité et sort du temps du conte pour accepter celui de l’histoire, de vieillir, puis de mourir, alors les habitants peuvent s’autogérer. Dans le roman, la fragilité n’est pas une faiblesse. Mélusine regarde l’adversité en face, tout en reconnaissant sa propre limitation et celle du vivant : elle est « superfaible » pour citer l’essai de Laurent de Sutter, paru au moment où j’achevais la rédaction du livre, mais qui, par un hasard que j’aimerais qualifier d’objectif, présente beaucoup d’affinités de pensée avec cette forte fragilité, ou cette fragilité vigilante que j’appelle de mes vœux dans ce roman. 

 

 

« Un chant du hors-champ » : tels sont les mots qui accompagnent le programme d’action de mélusine qui, d’emblée, s’offre comme « une icône politique ». Une icône qui va installer une véritable réflexion sur la société telle qu’elle se rend incapable d’avoir accès sereinement ni durablement à la démocratie. Une question revient ainsi sans cesse tout au long du roman, c’est celle des institutions politiques, et de la place que chacune et chacun occupent dans ce que vous désignez comme la « post-démocratie » : pourriez-vous nous la présenter ? Diriez-vous, de manière plus générale, que mélusine reloaded peut se lire comme un roman politique qui conteste précisément l’état actuel du pays, « héritier de la révolution française de 1789 qui peut tolérer que les citoyens ne relèvent pas tous du même droit » ?

 

J’ai une passion pour le « hors champ », à la fois ce qui sort du champ, un moment de suspension, et ce qui n’y entre pas mais dont on devine fortement la présence. De même, je pense que la poésie est un chant du hors champ, qu’elle va donner voix à ce qui est laissé pour compte. Pour mélusine reloaded, je suis partie d’éléments laissés en marge ou occultés dans les récits anciens : par exemple, le deuxième chapitre « la peau fragile du monde » reprend un détail évoqué dans le récit de Jean d’Arras à partir duquel j’ai construit un chapitre, un autre imaginaire où la peau devient un écran dans la forêt de Brocéliande à l’abri duquel peuvent vivre les Paysans Migrants. Je choisis des moments qui ont échappé au récit, je laisse trainer l’écriture dans des moments en marge comme la période juste avant le mariage de mélusine avec raymondin, mais aussi les années entre le mariage et ce qui devient son avortement, pendant lesquelles elle imagine des plans politiques. Ce sont des entre-deux, moins héroïques, mais très importants qui ont échappé à la représentation. Ainsi le chapitre « ralentir, réfréner » est une pause dans le récit et procède de la pensée de mélusine qui imagine un « sabbat pour tous », une réduction du temps de travail, et repense l’habitat. Le récit romanesque permet d’habiter ces entre-deux, de les pousser jusqu’au bout, de les inventer et de les situer dans un monde juste en avant du nôtre. Ces déplacements entre le Moyen-Âge et le futur sont très fructueux car ils permettent d’éclairer autrement le présent. C’est du recyclage de mythèmes en quelque sorte et du matériau composite. Un conte écologique et politique.

La Mélusine de Jean d’Arras comme toutes les variantes de conte a une dimension politique : les contes évoluaient en fonction de la politique et de l’éthique du moment des réécritures. D’Arras a fait de la femme-serpent la constructrice de châteaux et d’églises et la rend mère de 10 enfants qui partent aux croisades. Bien entendu, mon livre refonde l’ensemble. La question que pose la fée dans mélusine reloaded est celle du pouvoir. Dans une société néo-libérale où le fascisme affleure, elle pose la question des moyens possibles pour faire du commun sans dictature du bien : cela repose des questionnements abordés par Sartre dans le Diable et le Bon Dieu : peut-on imposer le bien ou comment faire évoluer la politique quand elle menace ses citoyens sans tomber dans un régime autoritaire ? Bien sûr, ça n’est pas un traité de politique, donc tout cela est formulé à travers la magie et le merveilleux.

J’ai lu différents essais et rencontrés des chercheurs qui montrent combien en Europe les facteurs actifs de démocratie sont menacés, que nous sommes déjà inscrits de façon quasi inéluctable dans une post-démocratie. Cela concerne les ressources naturelles mais aussi la presse ou la sauvegarde des données, les réseaux sociaux etc. La fée traverse ces questionnements que je pousse à l’extrême, le merveilleux côtoie l’humour. Si elle réfléchit à une réduction de l’espace d’habitation, à des échanges de logements, à la réduction des photos et des « autoarchives », elle imagine aussi de nouvelles formes de gouvernement et pose la question des « rituels » : comment faire commun sans tomber dans un « avant la démocratie » ou avant les théocraties ? Quels rituels ? Mon livre comporte une vision politique et une charge contre la politique actuelle. C’est une des caractéristiques de la dystopie que de caricaturer ce qui est déjà en place pour qu’on comprenne la dangerosité des ressorts en place. Le droit qui n’est pas le même pour tous, les pauvres vivant dans des territoires multicontaminés ou n’ayant plus la possibilité de sourire faute de dents réparées, nous n’en sommes pas loin. Il suffit de grossir le trait, d’anticiper les conséquences des mécanismes inhumains déjà en place, de les relier. En jouant les cassandres, la littérature est en avant du monde. L’invention dans le roman ou la poésie de temporalités complexes permet de produire des effets de décollement du réel et de sortir de l’hyperprésent pour libérer notre imaginaire encagé par le libéralisme consumériste. C’est la preuve que le conte, le rêve et la science-fiction nous ramènent à la complexité du réel, que le réalisme magique dit à mes yeux bien davantage que le réalisme. Cela prouve combien le réel est une construction, une fiction que l’on peut modeler et réinventer. On voit l’urgence aujourd’hui à changer de récit, l’écriture peut contribuer plus ou moins indirectement à faire dévier le trait ou à donner envie de le faire.

 


A ce titre, mélusine reloaded s’impose comme une dystopie qui dépeint, avec effroi, le monde tel qu’il deviendra, plaçant chaque personnage dans un effet d’inquiétante étrangeté. Cette dystopie post-démocratique se place sous le signe explicite d’une apocalypse qui ne veut pas dire son nom. Vous écrivez ainsi : « L’apocalypse est un nom qu’il ne faudrait pas employer. Mélusine en propose un autre : un présent encore. C’est un chant suffisant. » En quoi mélusine reloaded s’offre comme cette dystopie de l’écologie, à lire ainsi le sort qui est notamment réservé aux animaux, à l’omniprésence des décharges sur la surface terrestre ? Cette dystopie possède enfin un caractère formel typographique : vous jouez des minuscules, de la multiplication d’acronymes toutes majuscules dehors : pourriez-vous nous indiquer en quoi il y a là encore un jeu dystopique ?

 

J’anticipe dans mélusine reloaded le monde tel qu’il va sans doute advenir, multipollué et politiquement non démocratique, une dérive nourrissant l’autre. À ce titre, mon texte est un roman d’anticipation:  la dystopie, en forçant le trait, a des vocations de Cassandre, elle rêve le monde tel qu’il adviendra. Sans vouloir enfermer les choses, peut-être peut-on dire que la poésie est une pythie, un oracle sibyllin, tandis que le roman serait une cassandre ?

Mélusine offre à éprouver un état du monde totalitaire et pollué comme il risque d’advenir : des DSCO (Décharge Solide à Ciel Ouvert), décharges gigantesques où vit une population recluse et malade, des territoires désertés comme l’Armorique dévastée par la PPA (Peste du Porc Augmenté), le cotentin post-démocratique où règne le FUC (Front Unitaire du Cotentin) qui n’a plus assez d’eau pour la population et fait avorter les femmes sans anti-douleurs, ou encore ce pays où règne la tendance à l’ETUD (Eat Till U Drop). Ces visions se fondent sur des phénomènes déjà en place, tout au moins partiellement : la multiplication des décharges à ciel ouvert est un fait avéré (comme le montre très bien Lucie Taïeb dans Freshkills :recycler la terre), celle de la raréfaction de l’eau également, le contrôle des citoyens aussi tout comme l’envahissement de la planète par le tourisme, de même que les écrans géants qui cachent les décharges dans le roman sont proches de ces écrans où, à Pékin, on donne à voir le soleil masqué par la pollution. J’ai combiné des éléments existants en les aggravant et en ai inventé d’autres, tragiques ou comiques, pour arriver à ce miroir déformant qu’est une dystopie qui révèle les rouages mortifères que génère notre société de consommation néo-libérale.

Dans mélusine reloaded, on ne déplore pas que le sort de l’humanité, mais aussi ceux de la flore, des fleuves, des océans et de la végétation qui nous attriste autant que le danger qui menace les populations. Il y a dans mélusine reloaded la conscience que l’être humain n’est pas le seul à être digne d’habiter la terre, une pensée qui s’inscrit dans la lignée de l’écologie politique défendue par Bruno Latour. Il y affleure la conscience de la précarité de la vie et de la planète et à de nombreux moments, notamment dans le chapitre sur la Chasse Sauvage Augmentée (CSA), on assiste à la destruction de la faune et de la flore et le roman montre un drame qui n’est pas centré sur les seuls humains. La fin est grave pas seulement par le fait que la fée meurt mais aussi parce que l’océan orange est moribond en même temps qu’elle.

 

Mélusine est un nom commun dans le texte, elle est à notre image et au travers d’elle on vit le « pire » du monde tel qu’il risque d’advenir. Quand elle accepte la mort, il ne s’agit pas d’une résignation. Elle a fait son œuvre. Et nous ? La fin nous place face au vide et à notre présent. Qu’allons-nous faire ?

 

La multiplication des acronymes est un signe de la fascisation de la société qui est malmenée dans sa singularité et sa créativité. Cette tendance est excroissante et le libéralisme s’en régale : plus que des termes techniques, aseptisés, rationnalisés, la langue tronquée, décapitée, devenue langue de pure communication offre un semblant de scientificité. Cette désingularisation est une destruction de l’être humain et prépare à tous les totalitarismes. En laissant les acronymes envahir la langue dans les premiers chapitres, je donne une idée concrète du totalitarisme. Écrire et imaginer un univers romanesque, c’est provoquer des courts-circuits et imaginer des feux d’artifice : donc mettre en alerte, repenser le monde mais aussi offrir du plaisir, des moments merveilleux pour tenir la route âpre de la conscience critique. Permettre peut-être d’éviter l’horreur en développant l’imaginaire plus qu’en recourant à la peur ou à la déploration. Ce ‘continuer quand-même’, sans complainte, est aussi le sens de l’œuvre et en particulier de l’essai de Jean-Luc Nancy La peau fragile du monde (Galilée, 2019), paru alors que j’écrivais le deuxième chapitre que j’ai décidé de nommer alors « la peau fragile du monde » en raison du motif de la peau de cerf, et aussi de l’essai de Nancy, pour interroger notre déroute. Nancy dit très justement qu’il n’y a rien de «catastrophiste ni d’apocalyptique à penser que l’existence comme telle peut être portée devant sa propre fugacité et finitude.» C’est ainsi que mélusine dit que ça n’est pas une apocalypse mais un « présent encore », un présent dont il faut prendre soin et faire l’expérience plutôt que de tomber dans une déploration « moderne », une frayeur paralysante ou un millénarisme béat.

           

 

Une double critique déchire également l’ensemble du récit de mélusine reloaded : c’est celle, en premier lieu, qui se fait jour sans attendre, du tourisme. Les touristes sont partout, le surtourisme est lu comme un fléau qui transforme chaque pays en musée et prononce la muséification de la population. Cette muséification n’est en rien innocente puisqu’elle est assimilée, autour de mélusine, à une puissance nationaliste, « garantissant une qualité française, un cachet culturel, c’est un exotisme vendeur. » Pourriez-vous revenir sur ces quelques remarques qui engagent un peu davantage mélusine reloaded dans le roman politique ?

 

         Ce tourisme excessif ne signifie pas l’ouverture à l’autre, on ne revient pas transformé de ces déplacements mais on cherche une pause exotique pour ensuite se conforter dans son prétendu suprématisme culturel: je caricature à peine le trait dans mélusine. Les TT, les Touristes Traversants, cherchent dans des centres-villes, des fonds de selfies qui poussent les Municipalités Augmentées à réduire la culture à un patrimoine voire à créer de toutes pièces un vrai-faux patrimoine, une muséalisation aggravée. Le pays ne vit plus que de l’image qu’il donne de lui-même.

         Aujourd’hui, on assiste à un phénomène qui conduit à une catastrophe écologique, le tourisme de week-ends urbains, où, pour se distraire et avant de faire du shopping, du fooding, puis d’aller digérer et faire quelques selfies devant des monuments et des musées, on prend l’avion et détruit l’environnement. Le tourisme est à double tranchant : il se développe et se démocratise au moment de l’industrialisation mais il reste un apport très paradoxal. Évidemment, se déplacer dans le sens d’une rencontre de l’autre, un dépaysement, l’ouverture à l’autre est à encourager. Dans un même temps, on assiste aussi à un tourisme qui n’est qu’un déplacement géographique mais qui intérieurement ne fait que conforter ses préjugés face à l’autre et pousse aussi à une hyperconsommation. Ce tourisme, loin d’aller de pair avec la démocratisation de la culture, renforce les fascismes : on va se baigner moins cher en Turquie et sur les côtes thaïlandaises ou marocaines, mais on vote extrême droite et refuse les migrants. Malheureusement ce phénomène, cette exotisation de l’autre qui nous distrait et que l’on rejette ou méprise n’est pas rare, c’est une « colonisation de vacances » pour ainsi dire.

         Par ailleurs, j’observe de près l’hyper-muséalisation du monde occidental. La muséalisation vient remplacer la disparition de l’expérience au sens fort que Walter Benjamin donne à ce terme. Plus la société est contrôlée et la liberté de pensée restreinte, plus on muséalise l’existence. Déjà kaspar de pierre (La lettre volée, 2017), réécriture de Kaspar Hauser, évoquait le tourisme noir, l’« attraction de la maltraitance », car Kaspar Hauser avait été un des premiers cas de tourisme noir en Europe au début du XIXe. Et puis dans « rodez-blues » (les corps caverneux, LansKine 2022), j’évoque le « tourisme artaud » en imaginant un « escape game artaud ». Dans mélusine reloaded, le TT (Tourisme Traversant) est un phénomène d’immense ampleur, la dernière activité économique qui régit toute la vie des gouvernements et des habitants. C’est ainsi que mélusine, qui fait l’expérience du monde, décide d’effacer les traces de son passé à Lusignan : elle ferme La Maison Poitevine (LMP), efface le livre contant son histoire et s’oppose au Comité du Maintien de l’Image du Poitou (CMIP).

         Loin de moi l’idée de nier l’importance et la nécessité de musées, mais en ce moment, on voit dans chaque ville, chaque village où par ailleurs il y a un chômage immense, que tout est matière à musée pour attirer le tourisme : comme si l’Occident ne savait plus que consommer et regarder comment a vécu une civilisation qui coule, impuissante à transformer son fonctionnement et faisant de son passé une chair à musée. C’est une tendance quand même très passéiste, même s’il faut nécessairement des lieux d’analyse et des musées qui entretiennent un rapport dialectique et porteur d’avenir avec le passé. Mon texte n’est pas là pour être objectif, il force le trait. Je m’intéresse à l’excès de  tendance à l’autoconservation qui consiste à empailler tout et n’importe quoi pour vendre. Cette tendance mortifère se retrouve aussi dans les selfies permanents et les réels à outrance, ce que je nomme dans mélusine les m3 d’AA (Auto-Archives). Le libéralisme a bien compris qu’en nous bourrant le mou et faisant de nous des princes de la consommation, flattés dans leur narcissisme, on tiendrait les 3% de croissance sans remettre en cause les rouages de la société. Je m’attaque à ces mécanismes, à la matrice donc pour reprendre l’allusion à Matrix.

 


La deuxième critique acerbe concerne le circuit du livre et ce qu’il advient de la littérature dans une post-démocratie. Très peu de livres circulent, ils sont comme étatisés, certifiés conforme et eux-mêmes homologués par l’Etat qui disposent toujours les mêmes en vitrine comme si la littérature industrielle que dénonçait Sainte-Beuve trouvait dans ces vitrines de librairie un nouvel écho. Pouvez-vous nous préciser pourquoi vous ouvrez ainsi votre récit à la fois sur ces « poètes triés sur le volet (qui) percevaient une prime pour concevoir des contenus insolites » pendant que « Les autres poètes vivaient dans les faubourgs pauvres dans l’espoir d’être recrutés » ?

 

Quand les tendances totalitaires se déploient, elles s’attaquent à tout ce qui pourrait mettre en mouvement la pensée critique, donc les œuvres artistiques comme les artistes eux-mêmes. Tout régime totalitaire instaure un art qui lui est politiquement favorable. Le néo-libéralisme en traitant l’art comme un bien de consommation et en orientant la production sur la diffusion discrédite des œuvres qui « résistent » et se vendent moins. Donc en faisant cela, le néolibéralisme prépare le lit des dictatures. La surproduction touche la littérature comme la production de confiserie. Il faut soit de l’homogène digeste et non critique ou du faux transgressif, du faux underground compatible avec le système. Le fort du libéralisme, c’est d’avoir récupéré à peu près tout, par exemple d’avoir repris à son compte le mouvement punk pour en faire un style d’habit ou encore de réussir à vendre comme étant de la musique « indé » des artistes qui ne sont pas du tout inscrits dans une création indépendante mais qui en présentent uniquement l’apparence vestimentaire.

Mélusine se situe dans un avenir que j’espère ne pas connaître. Dans le Paris de mélusine, on ne lit plus depuis longtemps, les librairies exposent des couvertures de livres garantissant de beaux fonds de selfie pour les Touristes Traversants et un seul livre demeure : la Nadja d’André Breton. Comme vous le mentionnez, seuls dix poètes sont au service de l’État et les autres sont dans des faubourgs pauvres et non publiés. Je pense qu’on doit se poser certaines questions aujourd’hui : Que faire quand un pays est gouverné par des partis largement non démocratiques, quelle commande accepter dans un État libéral-autoritaire, voire fasciste ? Quelle stratégie adopter ? Si ces questions ne font encore que nous frôler, et je n’imaginais sans doute pas en l’écrivant à quel point le spectre de ces questions viendrait poindre, le roman, lui, est quelques décennies en avant de nous.

Le fait de noircir le trait et de faire vivre la femme-serpent dans un monde où les poètes meurent dans les faubourgs et où seuls dix d’entre eux écrivent des titres alléchants pour touristes doit faire réfléchir à la place de la poésie et de la littérature dans la société. J’insiste aussi beaucoup sur la pauvreté dans le livre, les gens des faubourgs qui ne rient plus, faute de dents etc. Je pense que nous sommes dans une époque déjà où les artistes « mainstream » bien diffusés et présentant des signes extérieurs de richesse sont mieux considérés du fait de ces signes extérieurs. L’art « complexe » n’intéresse plus grand monde et on jette l’anathème sur les « pauvres poètes » peu connus, même quand leur œuvre est importante : on l’a vu au moment de la querelle autour du Printemps des poètes où pour critiquer la pétition contre le parrainage de Sylvain Tesson, des poètes ont été totalement déconsidérés, insultés comme étant des « cafards » ou des gens frustrés car ils étaient inconnus du grand public. Le paradigme s’est inversé. Tandis qu’auparavant on aurait fustigé les gens de ne pas lire de poésie (je déplore aussi l’excès de mépris qui a pu régner),  les poètes, forcément peu connus et vendant peu, ont été jugés comme des « losers » à l’aune de leurs ventes et non de leurs textes, donc comme des produits de consommation.  C’est terrifiant quand on y songe. Heureusement, un contre-vent s’est levé, un peu partout sur le territoire des modes de vie résistants se développent et un besoin de poésie et plus généralement de littérature se fait sentir. Comme dans toutes les périodes de crise, le retour à une politisation des citoyen.ne.s et aussi à une littérature dystopique se fait jour. Il ne s’agit pas pour moi de confondre militance et fiction, mais la fiction a son mot à dire dans la vie de la cité.

 

 


Ma dernière question voudrait porter sur les influences qui sont les vôtres comme primo-romancière. On a pu évoquer plus haut André Breton mais quelle est l’autrice ou quel est l’auteur qui ont pu ici guider votre écriture ?

 

Il n’y a jamais un seul livre qui guide ma route pendant les années où le livre prend forme, je lis de nombreux textes qui m’accompagnent et sont amis de la constellation que j’invente. Pour mélusine reloaded, j’ai lu ou relu des contes de l’époque romantique principalement allemand et anglais et je suis très heureuse d’être publiée chez José Corti qui édite à la fois Coleridge et Arnim von Arnim. Si mon livre prends un appui critique sur André Breton, d’autres textes surréalistes comptent. Par ailleurs, je relis régulièrement Kafka (en allemand) qui reste une influence majeure, tout comme la littérature russe du XIXe et les grands récits du Moyen-Âge. En Allemagne, le roman de la poétesse Ingeborg Bachmann Malina reste un modèle, de même que les récits d’Elfriede Jelinek, mais aussi et toujours les romans de Goethe comme Les affinités électives. Dans les romans francophones, j’ai une proximité avec des romans de poètes comme ceux de Lucie Täieb (Safe, Les ensevelies), d’Eugène Savitzkaya (Au Pays des poules aux œufs d'or) ou encore de Laura Vasquez (La semaine perpétuelle). Mais d’autres œuvres sont importantes comme des romans « fantastiques »,7 de Tristan Garcia tout particulièrement, ou encore d’autres comme Les furtifs de Damasio, deux romans que j’ai lu ces dernières années. J’aime les romans qui sont dans le réel tout en déployant des étrangetés absolues, je pense aux Oiseaux de Tarjei Vesaas dont j’admire tous les livres et qui disent quelque-chose de notre monde en danger. La poésie ne cesse pas pour autant d’éclairer le chemin, je ne peux dire tous les recueils importants mais je pense par exemple au Nauvrage du Titanic : une comédie de H. M. Enzensberger, superbe méditation sur les nauvrages individuels et collectifs.  

 

 

A noter : Laure Gauthier lira mélusine reloaded à la Maison de la poésie de Paris accompagnée par le musicien Olivier Mellano le 13 novembre

 




Laure Gauthier, mélusine reloaded, José Corti, août 2024, 120 pages, 17 euros

 

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