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Formula one drive to survive : piloter pour la survie, une pédagogie patriarcale

  • Photo du rédacteur: Lise Delva
    Lise Delva
  • 26 mars
  • 25 min de lecture



Un grand prix (GP) de Formule 1 (F1) se déroule sur un week-end. Le samedi, les essais ont lieu. Ils déterminent les positions des pilotes sur la grille de départ. Les pilotes s'engagent sur le circuit et font plusieurs tours pour que les pneumatiques montent en température, ce qui leur assure une adhérence idéale et le fonctionnement optimal de la voiture. Chaque équipe est constituée sur le circuit de deux pilotes, au dehors de plusieurs centaines de personnes. Le chef de l'écurie, appelé Team Principal (TP) et un ingénieur sont en particulier installés dans une guitoune au bord du circuit, à proximité de la ligne d'arrivée. À un certain moment, les commissaires de course autorisent le tour d'essai de la voiture à ce couple décisionnaire qui relaie l'information au pilote. Le tour est chronométré. Plusieurs essais sont autorisés. Un classement est ainsi obtenu. Le meilleur temps des essais sera le premier à s'élancer lors du GP : il occupera la pole position.

Le dimanche, les voitures partent à l'arrêt pour des dizaines de tours de circuits : soit 300 km de course au total en 2 heures environ.


Fondamentalement, ce spectacle est au mieux hypnotique, au pire ennuyeux. Enfant, je me rappelle que les hommes de ma famille, après avoir pris le repas préparé par les femmes, s'affalaient dans des fauteuils et choisissaient souvent ce programme pour digérer. La fatigue post-prandiale aidant, ils roupillaient en fait tous ensemble pendant que les femmes rangeaient, faisaient la vaisselle et que personne ne s'occupait des enfants.


Les événements qui peuvent troubler le cours d'un GP sont la pluie, les dépassements et les accidents. Les organisateurs de course savent que la F1 est ennuyeuse à regarder et ont mis au point des règles pour rendre le sport plus spectaculaire en favorisant les dépassements.

La pluie rend les circuits glissants et force les équipes à monter des pneus différents sur la voiture pour augmenter l'adhérence. Les accidents sont majorés par la pluie. Les dépassements sont rendus possibles en fin de ligne droite ; mais les virages peuvent aussi donner à voir de spectaculaires dépassements, qui donnent lieu à des accrochages et à des accidents. Les causes d'accidents sont donc externes ou internes à la voiture : précipitations, dépassements, fautes de pilotage ou défaillances moteur.


La série Netfix Drive to Survive (DtS) est un objet de la pop culture concentré de F1. Des courses, il ne reste que les moments les plus spectaculaires : départs, arrivées, dépassements, accidents. Les phases d'ennui liées au caractère répétitif des GP sont ainsi évacuées. Ces scènes de course sont flmées embarquées, vues de drone ou depuis les tribunes.

En parallèle, la série dévoile les coulisses des GP : peuplées d'équipes techniques, des proches des pilotes, de diverses célébrités. Les plans se succèdent en un montage rythmé propre à la plateforme.


Des entretiens confessions sur fond noir mettent en scène les personnalités importantes de ce jeu sportif : TP, pilotes, commentateurs. Une génération sépare les pilotes des autres professionnels.

En marge des compétitions, DtS nous donne à voir les manières de vivre de ces personnes de la F1. En particulier dans leurs habitats naturels : appartements

monégasques, domaines campagnards anglais ou italiens. Des scènes d'intimité ou de famille impliquant les différents protagonistes sont filmées dans ces lieux de vie apparemment luxueux. Enfin, ces personnes sont mises en scène dans des loisirs couteux : golf, voile, vélo, chasse sous marine, équitation, kite surf, surf, alpinisme, motocross, hockey sur glace, jet ski, ski hors piste. Comme souvent dans la pop culture, cette série donne une éducation : laquelle ?


DtS est coproduit par Netflix et Liberty media, une holding financière cotée en bourse qui possède l'exclusivité des droits de diffusion du championnat de F1, sous l'égide de la Fédération Internationale de l'Automobile (FIA). Ce produit de divertissement, dont la première saison a paru en mars 19, fait partie d'une offensive de la FIA pour conquérir les cœurs états-uniens, friands de sports automobiles, mais connaissant peu la F1. L'Indy Car Series fait en effet fonction. En 24, les audiences cumulées s'élèvent à plusieurs centaines de milliers de spectateurs et une centaine de millions de téléspectateurs par GP. Depuis le tournant des moteurs turbo hybrides en 14, les audiences de la F1 croissent et touchent un public plus vaste. En 25, l'empire états-unien proposera trois grands prix très courus. DtS, en mettant en rapport des moments de compétition et des moments plus intimes, vise à atteindre un public différent : féminin et jeune (1).


Je fais partie du public cible de cette série : femme cis hétéra, la quarantaine, mère de famille. Je me suis laissée faire par les suggestions de l'algorithme de Netflix et par une certaine nostalgie. J'ai pu regarder cette série en attente scolaire de mes enfants dans la voiture, en préparant le dîner, dans mon lit épuisée le soir. Et vous ?


Les docuséries sur le sport sont produits à relativement peu de frais et rapidement. Les personnes mises en cadre sont rarement rémunérées pour ces tournages. Elles espèrent gagner un bénéfice de visibilité et une renommée liée à leur exposition sur le modèle économique de la télé-réalité. En outre, les rédactions journalistiques perdent leur bureau sport : le relai informationnel est ainsi passé à des entreprises de marketing sportif telles Liberty media ou la société de production Religion of sport, difficilement critiques du champ de par leurs confits d'intérêts (2).


Les trames narratives héroïques utilisées par cette épopée qui se dilate désormais sur 7 saisons ne seront pas ici développées. La ronde des plaisirs sportifs censée limiter la violence et tenir en haleine les spectateurices (3) est ici sans cesse reparcourue : anticipation, excitation, tension, rivalité, trahison, accomplissement, relâchement. Et c'est reparti pour un tour à toute allure.


Les hommes ici exposés incarnent une virilité blanche fanfaronnante. Apparemment tout d'un bloc fait de muscles, endurance, déplacements hyper rapides surmultipliés et assourdissants. Ils prennent des risques, écrasent les autres en compétition et au dehors. Leur notoriété est exhibée dans la série hors des circuits, dans le culte rendu par les fans – en particulier à l'écurie Ferrari mise sur le même plan que l'église catholique – et leur swag dans des loisirs inaccessibles.


Quels sont les mobiles de cette débauche de moyens mis en œuvre pour élever la F1 au rang de divertissement hégémonique ? Pourquoi viser particulièrement les jeunes et les femmes ? Quel genre d'éducation cet objet pop délivre-t-il ?



Des milieux étanchéifiés


Un grand prix de F1 c'est d'abord une grosse affaire de logistique. Une immense caravane tourne autour du monde en avion pour transporter tout le nécessaire à ces courses circulaires. Lorsque les hommes et les choses de la F1 s'aéroportent en ville, leurs écuries déboulent et déballent leurs nombreux conteneurs, s'installent sur les circuits ou même envahissent des centre villes, en écrasant et expulsant les indésirables. Ce grand manège de déménagement n'est montré qu'a minima dans cette série : sous la forme de transits des pilotes et des TP. Les expéditions de ces hommes importants se font en jets privés, à l'arrière de voitures conduites, en hélicoptère, en bateau de luxe, le tout en se tapant dans le dos et en partageant un verre de Champagne à l'occasion. Pour finir de camoufler les effets délétères de volumineux déménagements, DtS nous donne de l'image stock en début d'épisode sur fond sonore de déjà entendu dansant à 120 bpm. Ces images-clichés, achetées à des banques d'images à peu de frais, envisagent les écrins bitumeux des circuits : morceaux de villes pétromonarchiques vus verticalement de drone, bords de mer terrassés en Riviera denses, stériles et étanches, probables zones d'investissement optimales, zones franches vraisemblables.


On note une exception à l'artificialisation extrême des circuits : Zandvoort aux Pays Bas,

pays natal de Max Verstappen, actuel champion du monde avec Red Bull Racing. Il n'apparaît qu'à la marge dans DtS. Ce circuit paraît très engazonné. Les spectateurs doivent nécessairement s'y rendre en train faute de parking sur place. Le gouvernement néerlandais a en effet adopté il y a longtemps une loi zéro artifcialisation nette extrêmement rigoureuse. Un greenwashing pétrit la communication de la FIA. Le logo de la F1 est ainsi brièvement passé du rouge au vert. Les F1 ne consomment règlementairement que 45 litres de carburant aux 100km, une course en compte 300, en sus de tout ce qu'engloutit la caravane, la restauration de l'asphalte des circuits ou le public : une bagatelle.


Premier mobile : faire écran aux répercussions de la F1 sur les milieux.


Lorsque les circuits sont tenus en ville – Monaco, Singapour, Las Vegas, Bakou … – les hôtesses sont évidées de leurs usagers journaliers – leurs vies réprouvées – afin de mettre ce territoire à disposition de la caravane, souveraine pour une semaine.


La tenue d'un grand prix (GP) implique une clôture physique de l'espace : ne serait-ce que pour prévenir les incursions de personnes sur le circuit et pour assurer le déploiement fluide de son infrastructure. À l'instar de toutes les zones de flux : aéroports, gares, stades ; les zones de GP sont des milieux sécuritaires – nullement sécurisants – : clôturés, vidéosurveillés, aux accès régulés par le port du badge. On note que le chien de Lewis Hamilton, multiple champion du monde, est accrédité, ce qui fait de lui une personne non humaine avec plus de droits dans cette zone que les exclus des GP.


Du point de vue du public, ces lieux sont familiers, car les fans pratiquent souvent les circuits en jeu vidéo ; mais aussi parce qu'ils peuvent connaître la ville. Les fans sont en outre accompagnés au quotidien par la présence des pilotes sur les nombreuses plateformes de réseaux sociaux. Ainsi métamorphosée par la caravane et son emprise, dans un cadre d'agrément, de loisir, de divertissement, la zone sécuritaire devient plaisante pour les spectateurs qui ont payé pour en être ; alors que ce sont des zones d'expérimentation d'une docilité absolue de publics obéissants.


Voilà pour le théâtre des opérations. À grands frais énergétiques, la lourde caravane de la F1 se déploie deux fois par mois. La capture spatiale et temporelle générée par les GP engendre des profits financiers accaparés par la caravane et ses actionnaires, alors que les personnes occupant d'ordinaire un espace urbain étanchéifié en sont rejetée. Germe aussi dans l'esprit du public que les manières sécuritaires d'envisager l'espace sont associées à la joie du divertissement partagée à très grande échelle, donc validée par un grand groupe de personnes. Un espace clôturé, vidéosurveillé et stérilisé, où tout va comme sur des roulettes et qui pourrait devenir une norme heureuse. Deuxième mobile.



Des montures inégales


Un complexe industriel multicéphale contribue à produire le sport automobile : infrastructure logistique assurant les mouvements de la caravane des GP, productions autoroutière, automobile, pneumatique, d'énergie et de divertissement. L'engendrement d'une voiture hyper performante dépend de toutes ces industries qui peuvent échouer à réaliser une F1 à la hauteur des attentes des compétiteurs, seuls utilisateurs du produit fini. Dans DtS, la myriade d'ouvriers sur les chaînes de production automobile est laissée dans l'ombre ; au profit de centres techniques stylés aux sols impeccables, où les voitures des saisons précédentes sont muséifées, où les employés sont mutiques, soumis et fans béats des pilotes.

Le générique rend hommage aux mécaniciens, tous anonymes et silencieux dans la série. Il est constitué d'une vue en contre plongée d'un arrêt au stand de la voiture où les 4 pneumatiques sont changés par une vingtaine d'hommes et ce en quelques secondes. Sur fond de décélération puis accélération du bolide, on admire la perfection de la chorégraphie.

Une des conséquences de la complexité de la production de la voiture pour les compétiteurs, c'est qu'ils acceptent une hiérarchie préétablie. Toutes les voitures ne se valent pas. La chaîne de production complexe dans laquelle l'usinage défectueux d'une pièce du moteur peut tout faire dérailler est inaperçue et inexpliquée. Dans la saison 6 de DtS, Lewis Hamilton, alors multiple champion du monde avec l'écurie Mercedes en fera l'amer constat et le déplore devant Toto Wolff, en TP dépité du caractère oscillant de la nouvelle bagnole.

La FIA accorde de surcroît des subventions d'autant plus importantes que les écuries sont classées en haut du championnat constructeur, renforçant encore le pli de cette hiérarchie. De nouveaux acteurs se lancent bien entendu, comme le milliardaire Lawrence Stroll qui reprend l'écurie Force India à Vijay Mallay fugitif sulfureux en relative déconfiture. Stroll met son fls Lance en pilotage avec quelques succès.


Dans le cours du championnat, les écuries les mieux classées sont implantées dans le paddock – le garage – selon l'ordre du classement intermédiaire. Ainsi, les membres des dernières classées, doivent-ils toujours passer devant ceux des premières et se faire copieusement insulter. Ce territoire s'appelle le walk of shame – passage de la honte – en référence au walk of fame – la célébrité – d'Hollywood boulevard. Comme toujours dans l'immobilier, l'emplacement fait la valeur et rend compte physiquement de la hiérarchie en place dans la compétition. Il actualise aussi un sentiment d'humiliation des perdants nécessaire au rehaussement affectif qui aboutit au sacre d'un champion.

Il n'y a donc pas de compétition à armes égales dans la F1. DtS donne l'illusion que des aspirants peuvent tout de même accéder aux podiums, à la faveur d'un accident de parcours des premiers. Ceci arrive exceptionnellement et est célébré en manière de miracle coupé de ses causes.


Troisième mobile : naturaliser une hiérarchie pré-établi.


La F1, c'est une histoire de bitume, de montures mais surtout, c'est une histoire d'Hommes. Deux types d'hommes interrogés dans DtS seront ici décrits: les pilotes et les TP. Les TP sont actionnaires des écuries, agents en charge de la gestion des carrières des pilotes et fréquemment multimillionnaires. Les pilotes sont sous contrat court avec les écuries et soumis à évaluation constante de leurs performances. Le versant influenceur de leur carrière leur procure aussi des contrats publicitaires, trouvés par leur agent qui peut être leur TP. Ils sont à ce moment de leurs carrières très bien rémunérés ce qui n'a pas toujours été le cas. Pour vous, téléspectateurices, ces modèles sont du matériau à désirer : préparez vous à leur plaire.



Pilotes consommables


Les pilotes ne reçoivent une rémunération qu'une fois le très haut niveau atteint : c'est à

dire lorsqu'ils sont embauchés par des écuries de F1. Auparavant et une fois la détection effectuées par des entraineurs, leurs familles doivent les déscolariser pour que leur emploi du temps adhère aux nécessités des entrainements et des compétitions. Les familles font le sacrifice de les entrainer à leurs frais, et ce sport est extrêmement couteux. La déscolarisation ne permet pas aux enfants-pilotes de socialiser en dehors du milieu du sport automobile : ce qui ne les incite pas à désirer un en dehors de cet environnement. Ils se trouvent isolés dans cet unique milieu de vie ce qui les pousse à persévérer dans cette voie. Ils peuvent aussi être scolarisés au sein d'écoles adossées aux écuries de F1 : pouponnières de pilotes et mécaniciens (4).


Cet ethos martial du sacrifice à une grande cause exclusive est un stéréotype de la masculinisation hégémonique (5). Les pilotes endurent de longues années d'entrainement en vue d'une glorification promise et incertaine ; mais DtS ne nous montre qu'à la marge les déceptions existentielles, les espoirs ruinés, les enfances écrabouillées. Mick Schumacher – fils du septuple champion du monde Michael Schumacher – en est un exemple dans une certaine mesure. Par peur de prises de risques nécessaires en course, il échoue à se hisser durablement dans le championnat de F1 : on voit à plusieurs reprises son visage fermé, craintif, au bord des larmes. Il restera simple pilote d'essai : utilisé pour roder la voiture. Quel femme vient le consoler de cet

échec ?


Les pilotes sont presque tous hommes blancs et de lignées suffisamment riche pour pouvoir financer leur formation ou trouver les sponsors nécessaires. À l'exception de Lewis Hamilton et Yuki Tsunoda qui sont noir et asiatique (token de race) et Esteban Ocon (token de classe). Les personnes auparavant considérées comme subalternes peuvent exceptionnellement avoir accès à une part du gâteau. Mais pas les femmes.


L'intensité de leurs entraînements conduit les pilotes à pouvoir faire face aux accélérations et décélérations fulgurantes des voitures : jusqu'à 150g. C'est à dire que les pilotes sont soumis à 150 fois leur propre poids. Un Yuki Tsunoda récemment sélectionné par Red Bull, indomptable et colérique nous est montré reclus dans un coin de montagne, isolé avec ses entraîneurs : son corps de jeune homme rétif fabriqué, dressé, machiné par les heures de musculation, les courses d'endurance du petit matin, une nourriture hyper-protéinée. Charles Leclerc, pilote Ferrari, parle avec émotion de son ami et mentor Jules Bianchi. En 15, ce pilote meurt des suites d'un accident au GP du Japon sur un tarmac pluvieux, après un long coma. Leclerc insiste sur le fait que Bianchi erre tel un spectre : son fantôme est toujours présent. Un danger arrive – celui de l'accident vraisemblablement – et il s'agit de s'y préparer. Les risques encourus par les pilotes sont en effet considérables : ce sport casse voire pulvérise leurs corps. Être assiégés constamment : voilà le quotidien habituel des pilotes. Quatrième mobile dans la construction d'un imaginaire de la F1 : rendre familier le péril existentiel imminent.


Pour parler du pilote, ce gimmick revient à l'envi dans la série : « he is hot property » : il est une propriété hautement désirable. Pour minimiser les risques de perte sur les promesses de retour sur investissement qu'ils produisent, les pilotes sont choyés en vue de leurs performances. Zak Brown, TP de Maclaren et fondateur d'une agence de marketing sportif, rappelle à son poulain Lando Norris sa nécessaire fidélité au clan à grand renfort de culpabilisation lorsqu'il aura des velléités de départ de cette écurie.


Les corps des pilotes ainsi objectifiés sont médicalisés et monitorés. Les traumas sont pris en charge rapidement en chirurgie ambulatoire. La médecine dont ils jouissent permet des retours à l'écurie les plus rapides possible. Les convalescences se chevauchent avec les périodes de travail de manière fluide, car les pilotes sont entièrement pris en charge dans leur subsistance par des femmes invisibles. Un maximum de productivité est extrait de leur personne traitée comme une extension mécanisée de la voiture. Rien de nouveau dans la violence managériale. Cinquième mobile : objectifier le pilote, employé subordonné au bon vouloir du TP.


À de nombreuses reprises, lors d'entretiens donnés face camera par les membres les plus éminents de ces écuries, revient cette ritournelle à propos des pilotes : « he delivers ». Ce verbe signifie livrer, s'exécuter, sauver, être à la hauteur. Le pilote est un rouage de l’entreprise en tant que pilote de la voiture. Il enchaîne en effet plus de vingt courses en une année. Il vit constamment sous des regards panoptiques : celui de la caméra de son téléphone portable qui génère des autoportraits prisés sur les réseaux sociaux, en représentation dans des travaux de mannequinat, de signatures de casquettes à destination des publics VIP, de présence à des événements publics ou privés. Le pilote est un faire valoir des écuries/marques. Se cache derrière cette injonction : la livrée du domestique, la scène fantasmatique de la délivrance (6) mais aussi l'organe du foie bien éprouvé chez Prométhée. Difficile d'être à la hauteur. Mais d'ailleurs, à quelle hauteur ?


En course l'ingénieur installé en bordure immédiate du circuit, assis à côté du TP est le seul habilité à parler au pilote. Il lui relaie par radio les accidents et leurs conséquences, l'état du circuit, le temps qui le sépare des pilotes à proximité, le moment de l'arrêt au stand, les mises à jour micro stratégiques. La stratégie peut être de laisser passer le coéquipier mieux classé afin de maximiser les points au championnat constructeur. Mais souvent le pilotage du pilote s'enraye et les coéquipiers entrent en confit et règlent leurs comptes au sein même de la course avec des conséquences sérieuses pour l'ensemble de l'équipe. Cette tension entre la servilité attendue de la part des pilotes et la fougue nécessaire à la réalisation de leurs performances est détaillée, gonflée, grossie dans la série sous la forme protagoniste/antagoniste. Les pilotes les plus dociles sont exposés comme les moins excitants, tel Sergio Peréz, coéquipier de Max Verstappen chez Red Bull Racing. Peréz sert religieusement Verstappen et lui permet d'accéder au sacre : ennuyeux. Un rapport aux règles le plus élastique possible est valorisé à l'écran, pour mieux servir la performance individuelle et entretenir le cliché du mauvais garçon, nécessaire à sa désirabilité en régime hétérosexuel.

La construction de l'attrait des pilotes se fait également par la mise en scène. Un certain nombre de plans serrés s'apparentent à des porn shoots : un très gros plan sur une partie du corps du pilote par exemple : son visage, ses mains, son torse nu et humide dévoilé après l'entrainement au ralenti. Ainsi les corps de ces hommes jeunes et sculpturaux – « I am an athlete », répète souvent Carlos Sainz Junior – sont-ils filmés comme pourraient l'être des corps féminins. Un éclairage intemporel achève d'en faire des icônes, ce qui est le vœu le plus cher de Pierre Gasly, beau gosse blond portant très bien le smoking sur tapis rouge et tenant le bas du classement. Les corps de ces hommes deviennent de ce fait objet de désir sexuel, dans une atmosphère d'homosexualité refoulée propre aux boys club.


Il s'agit donc pour les pilotes d'être à la hauteur de la reproduction constante de stéréotypes de virilité par définition inaccessibles ; par conséquent de la domination masculine et par l'engendrement de leur désirabilité par les téléspectateurices. Sixième mobile.


Les pilotes, en entretien dans DtS font souvent référence à une « tunnel vision » pour exprimer qu'ils sont concentrés sur leur objectif : gagner la course, écraser les adversaires. La tunnel vision est mise en scène par le recours aux nombreuses cameras embarquées, avec une sensation d'immersion liée à la proximité du regard de la camera avec celui du pilote, vraisemblablement de simples GoPr® assez simples à régler. L'équipe de réalisation doit, elle aussi, être à la hauteur. Les sons respiratoires du pilote sont associés. Ils nous immergent dans l'effort demandé au pilote et son angoisse. Ils assurent une identification à lui.

Lando Norris raconte face camera la période du printemps 20 et les mois de pandémie suivants. Il n'est alors plus soutenu par le quotidien de pilotage. Il se trouve à streamer toute la journée sur twitch ses parties de simulateur automobile. Le pilote tourne à vide. Le tunnel n'a pas d'issue. Il ne sait pas quoi faire d'autre de sa vie. Il n'envisage pas autre chose. À la fin d'une course ratée, Charles Leclerc, gendre idéal monégasque pilote de la scuderia Ferrari demande penaud à son ingénieur avec insistance : « Que dois je faire ? » puis réclame son kif de fin de course : « can I do some burn outs ? », ce sont des sur place circulaires qui usent les pneumatiques de manière terminale. L'ingénieur le punit d'un « non » définitif. Son désarroi de petit garçon est patent.


La parlure singulière de cette caravane d'un boys club globalisé est une lingua franca pétrie de vulgarité. Des formules frappantes sont assénées des dizaines de fois dans le cours de la série, à la manière des célèbres gimmicks de Ru Paul's drag race. Ces formules deviennent habituelles, familières, faciles à réciter. Can i get an Amen ? Une étude lexicographique montrerait sans doute que le syntagme ici le plus utilisé est « fuck ». Un juron passe partout dans cette langue véhiculaire de l'industrie automobile profondément sexiste. Septième mobile.

Les femmes sont d'ailleurs laissées la plupart du temps hors champ, dans la coulisse ou au service de toutes ces joies. Pas toujours.



Des femmes à anéantir


Geri Halliwell, ex Spice girl créditée de leur slogan « girl power », chante encore sur scèneavec de grands succès. Elle accompagne souvent son mari Christian Horner, TP de Red Bull Racing sur son lieu de travail. Port de danseuse, balayage blond sur couleur capillaire chaude, visage lisse, teint uniformément miel, sourire en pixel, sourcils en parfaits accents circonflexes, son corps athlétique souvent habillée d'un blanc moulant immaculé le tout en habitant à la campagne : comment fait-elle ? Riche, célèbre, belle de par les heures de travail féminin et les sommes importantes déboursées pour avoir cette apparence lisse et ferme en dépit de la gravité : Lady boss.


La relation de couple entre Halliwell et Horner est souvent mise en scène. On la montre à l'écoute, soutenante, affectueuse, tactile, tendre jusqu'à l'enveloppement : attitudes attendues de la part d'une femme en service hétérosexuel. Horner semble rétif à ces marques d'affection. Maman et Papa élèvent plusieurs enfants ensemble et vivent parfois dans une vaste propriété du Sud de l'Angleterre. Un hélicoptère y vient les chercher. Cette vaste campagne est le cadre de plusieurs scènes d'intimité familiale, où l'on s'afflige que Papa soit si souvent au travail. Le personnel reste invisible : on l'imagine aisément nombreux et obéissant tant le jardin est épilé au cordeau, le moindre coussin retapé à la perfection, la table du petit déjeuner splendidement garnie. Mais DtS ne montre pas les sous-sols où la valetaille assure l'intendance de toutes ces réjouissances. Ce n'est pas son propos. Son propos, c'est d'éduquer et de mettre en garde.

Lors d'un transfert vers le grand prix de Monaco, un échange houleux se déroule entre Horner et Halliwell. Elle souligne les difficultés rencontrées dans sa carrière : elle tente de comparer ses performances sur scène à celles d'un pilote. Horner, face caméra, rompt le quatrième mur d'un sourire entendu, lève les yeux au ciel, dédaigneux, méprisant, achève la conversation et son écoute : l'ensilencie.


Claire Williams, flle de feu Sir Franck Williams fondateur de l'écurie éponyme, est la seule TP femme. L'écurie familiale va mal depuis longtemps. La gestion familiale s'arrête définitivement en 20 où l 'entreprise est cédée à un fonds d'investissement états-uniens.Une écurie légendaire est liquidée alors qu'une femme en a la charge. Williams doit se justifier longuement de cette catastrophe en entretien et faire acte de contrition. Suivant l'échec de Claire, les clefs resteront aux mains des hommes.


George Russel, pilote britannique de Mercedes, raconte son étonnement lorsqu'il se trouve face aux quatre lits immenses meublant sa chambre d'hôtel à Abu Dhabi : « definitely not for a family ». Rires gras dans le contre champ de l'interview. Évidence de l'implicite sexuel commercial. L'émirat a construit un circuit de F1 sur une île artificielle au sein d'un grand parc de loisirs. Abu Dhabi accueille la dernière course de la saison et le sacre annuel du champion en même temps que de nombreuses rencontres d'affaires (7). La F1 comme toute industrie patriarcale enveloppe la traite des femmes à plus forte raison pour signer des contrats.


Gunther Steiner, TP de Haas, populaire depuis son apparition dans DtS, sa gouaille très appréciée, est le seul TP mis en scène dans ses relations avec son actionnaire principal, éponyme de l'écurie. Gene Haas lui reproche à chaque GP d'avoir cassé la voiture ou autre fait couteux. Cette mécanique où des portes claquent, où l'on voit Steiner requis au téléphone, l'air embarrassé est comique, tant dans sa répétition que dans le ton moqueur de Steiner employé pour s'adresser à Haas. Bien entendu l'inconséquence de ces hommes qui cassent des objets de très haute valeur n'est pas interrogée. Le côté mauvais garçon de Steiner est montré comme amusant à l'écran.

Steiner habite une maison de bord de l'eau aux États-Unis. Il fait un barbecue avec sa fille et sa femme très discrètes. Sans surprise, de la viande rouge est mangée dans ce docusérie. On imagine le Lac Norman calme, serein, propice à la méditation ou à la marche. Steiner profite du silence de cet environnement pour signaler sa présence et sonoriser l'ambiance avec un jetski. Sa fille monte en selle avec lui et l'on voit le visage de cette dernière se peindre de terreur alors qu'il prend trop vite les vagues du lac, lui tout sourire. Ces hommes qui prennent des risques dans leur métier mettent en danger leurs intimes.


Christelle Taraud désigne par continuum féminicidaire (8) l'ensemble des violences faites aux femmes dans la société hétéro-patriarcale suprémaciste blanche. Dans DtS, le début de la série du continuum féminicidaire est parcouru : travail féminin douloureux et couteux de la construction de la beauté, ensilenciation par les hommes, échec retentissant de la prise de pouvoir d'une femme à un poste auparavant uniquement masculin et dévalorisation de ses accomplissements jusqu'à l'humiliation, mises en danger physique. Ainsi les femmes ne deviendront pas des hommes comme les autres ni dans la F1 ni ailleurs dans les patriarcats, car leur écrasement est nécessaire au prolongement de cette structure. Huitième mobile. Le terminus de ce crescendo des violences faites aux femmes se retrouve à la rubrique féminicides, qui ne sont pas exposées dans la série.


En 09, Jos Verstappen, père de Max – actuel champion du monde – ancien pilote de F1, a été condamné à 3 ans de prison avec sursis pour des menaces répétées à l'encontre de son ex femme Sophie Kumpen, la mère de Max. Il tente volontairement d'écraser avec sa voiture une ex petite amie 3 ans plus tard (9).


Didier Calmels, après avoir été pilote et co-fondateur de l'équipe Larousse sera condamné en 1990 à 6 ans de prison pour le meurtre au fusil de chasse de Dominique Calmels, avocate et son épouse le 28 février 1989 (10). Il bénéficiera d'une remise de peine extrêmement clémente. Il est lui toujours vivant.


Une autre manière d'atteindre les femmes/mères est de s'en prendre à leurs enfants.


Les enfants pilotes sont mis en vulnérabilité corporelle, économique et relationnelle par la pratique du karting puis des autres sports automobiles qui mènent au baquet de la F1. Les enfances sont sacrifiées en espérant devenir championnes. En outre, la stupéfaction de la capacité à éprouver des pilotes est nécessaire à leur performance. Le premier épisode de la série s'ouvre sur la nécessité pour eux de ne jamais ressentir la peur ; alors qu'on voit leurs proches horrifiés en coulisse. Cet apprentissage affectif – l'incapacité à éprouver la peur – se fait depuis l'enfance. La peur, le premier degré de la raison.


Isolés, dans un processus de masculinisation hégémonique, baignant dans le sentiment d'être redevables à leurs parents, leurs sponsors, leur agent, leur TP, une culpabilité immense menace constamment les pilotes. Une ressource jaillit dans leur notoriété : le plaisir validant d'être regardé par leurs éducateurs, adulés par des fans et aussi comme objet de désir sexuel. La rémunération arrive assez tardivement pour les soutenir dans leur carrière. Mais lorsque ce manège s'arrête comme lors de la pandémie, alors les pilotes sont accablés.


Si dans DtS les couleurs sont chatoyantes sur les combinaisons des pilotes et sur les carrosseries des voitures, c'est pour mieux cacher l'ombre derrière la lumière: le service hétéropatriarcal. Si ce système de violence n'a pas de centre, il a des opérateurs de puissance supérieure. Ici, ce sont les patrons d'écurie, les TP.



A l'étage supérieur, la cruauté déboutonnée


Christian Horner, ancien pilote, TP de Red Bull Racing et responsable d'un élevage de pilotes : la Red Bull Junior Team, est très direct : « le meilleur pilote est celui qui me fait gagner ». On note que le pilote est fongible, ce n'est pas à proprement parler une personne dans l'esprit de Horner : seule sa performance compte. Il continue sur sa lancée : « Ta dernière performance en course indique ta valeur ». L'identification d'une personne à sa dernière performance, reconduite deux fois par mois, à chaque nouvelle course, nous en dit long sur l'imagination d'une insécurité constante dans laquelle Horner croit évoluer et nous invite à partager. Tout de même, les hommes de la F1 ici mis en scène vivent confortablement voire grassement : sautant d'un avion à l'autre, d'un hôtel à l'autre, d'un restaurant à l'autre, détachés des nécessités de la subsistance : qui fait leur lessive ? Quel est le mobile de cette croyance à diffuser ? Mettre le public dans cette imagination d'une précarité toujours à l'orée du bois. Ces hommes ont des millions en banque et se sentent flottants : sérieusement ? Comment le public, simples titulaires d'un compte bancaire en négatif le 10 du mois devrait-il se sentir ? Écrasé•es bien entendu. Neuvième mobile.


Christian Horner, par ailleurs collectionneur de chevaux de course, invite à une partie de ball trap sur ses terres. Non pas une chasse – sans doute un brin onéreuse et potentiellement choquante pour les spectateurices tout de même – un ball trap. Mais tous les composants cynégétiques sont présents. Enormes 4*4 sur le parking, vêture kaki à l'envi, fusils anciens, chiens aboyants tenus en laisse, nombreuses petites mains. Dani Ricciardo, pilote au cou de taureau, au vaste sourire en cours de traitement orthodontique – parce qu'il le vaut bien – flamboyant, adulé sur insta, inégal dans ses performances et ses choix de carrière montre son malaise extrême à la caméra. Il tourne sur lui-même, remercie obséquieusement son boss de l'avoir invité et part en trottinant.Ricciardo, natif de Perth en Australie, ne possède pas les codes de l'aristocratie britannique. Mais il a compris que cette invitation est une manière d'humiliation. Lui est l’hoplite de l'enrobé drainant alors qu'Horner, en veste matelassée, tient les clefs du royaume.


Toto Wolff, TP de Mercedes, front sillonné de tous les gros soucis du patron, paupières soulignées d'un vaniteux trait de khôl, muscles masticateurs contractés donnant à voir un visage dur et inflexible, un corps de culturiste sous sa chemise blanche bien repassée brodée de logos bavards, a l'aphorisme facile : « pour cette course, tu dois mettre tes couilles sur le tableau de bord » ou « je suis un compétiteur, j'en veux toujours plus, si tu es content de ce que tu as, alors tu es mort ». Vérité motrice du sentiment obsidional, virilisme vocal et logique impérialiste à l'os.

L'immense palmarès de son équipe : 7 titres de champion du monde constructeur et la même quantité de titres de pilote ; allié à cette capacité à concentrer sa pensée lui vaut d'être professeur invité à la Harvard business school dans un cours portant sur la « culture de la haute performance, la conduite des équipe, l'efficacité personnelle ». Wolff a donc obtenu les onctions universitaires suprêmes. Comment alors remettre en doute son attitude ?

Toto Wolff et feu Nikki Lauda, ancien pilote sévèrement brûlé dans un accident de course et conseiller pour l'équipe Mercedes, furent longtemps opposés à la mise en place du halo. Il s'agit d'une pièce supplémentaire ajoutée sur la voiture qui protège tête et cou des pilotes en cas de retournement ou de chevauchement. Ils trouvaient que cette protection « dénaturait le sport ». Wolff indique ici qu'il préfère la mort ou le devenir tétraplégique du pilote à sa mise en sécurité au nom d'un idéal sportif. La cruauté managériale s'exprime ici dans une forme paroxystique.

Ces hommes puissants sont aussi bons pères de famille.



Maman – Papa


Le pelage de Wolff se craquèle lors d'une scène d'intimité avec Suzy Wolff, sa femme, de 10 ans sa cadette, et leur très jeune fils. Un circuit de karting a été privatisé. Le bambin tourne autour, Maman et Papa discutent dans les gradins en s'émouvant de la précocité de leur enfant. Papa se tourne vers Maman en lui réclamant de la pitié en inclinant sa tête vers son épaule dans un moment tendre, rarissime dans cette série. La pitié, la capacité à émuler les affects de celui qui souffre, cet affect moteur du soin a déserté les paddocks et les terres bitumées. Seules les épouses de ces hommes en sont les dépositaires, au service de leur soin.


L'épisode 9 de la troisième saison concentre une cruauté motorisée. Il s'intitule Man on

Fire – homme en feu. Cet épisode s'attache à l'héritage de Romain Grosjean, pilote de bas de classement. Au grand prix de Bahreïn, en 20, Grosjean percute un mur, ce qui reste de son véhicule s'enflamme, lui dedans. Les images sont vues des dizaines de millions de fois sur les réseaux sociaux. Elles sont aussi reproduites à de nombreuses reprises dans l'épisode, sous tous les points de vue disponibles, en insistant lourdement sur le fait que, oui, Grosjean a vu la mort. A la question de savoir s'il recommencerait un jour à piloter, il répondra par l'affirmative. L'entretien se fait cette fois en couple. Marion Jollès, la compagne de Grosjean et mère de leurs trois enfants, lève alors les yeux au ciel, son angoisse est perceptible. Grosjean court désormais sur indycar aux États-Unis, Jollès a abandonné sa carrière de journaliste pour le suivre. Un modèle de famille réactionnaire. Dixième mobile.



A force de rouler à tombeau ouvert


Au total la construction de la popularité de Dts repose sur dix mobiles qui font système :

1. Rendre aimable l'espace sécuritaire, espace de docilité absolue

2. Faire écran aux répercussions de la F1 sur les milieux

3. Naturaliser l'imaginaire d'une hiérarchie pré-établie

4. Rendre familière l'imminence d'un péril existentiel

5. Réifer les personnes et finalement les traiter avec cruauté

6. Etre à la hauteur de la reproduction de la domination patriarcale, violente

7. Populariser une langue véhiculaire sexiste faite de refrains psalmodiés qui soude

une communauté masculiniste

8. Parcourir le continuum féminicidaire

9. Sous les traits de la figure du patron d'écurie montrer l'écrasement pouvoir

économique

10. Eriger l'homme en père de famille hétéro-patriarcale à l'autorité indiscutable :

politique familiale féodale


Les hommes de DtS réalisent des incarnations de ce que Rita Laura Segato appelle la « pédagogie de la cruauté » qui dérive de leur « mandat masculin » (11). Ces modèles de cruauté figurent une expression de la violence de la domination qui donne des autorisations maximales : envers les milieux, les femmes, les enfants, les autres hommes, eux-mêmes, jusqu'à leurs destructions.


Drive to Survive offre un spectacle de ces autorisations montrées dans un usage des véhicules à rebours de l'habitude : lent, féminin, collectif. L'automobile est en effet pour le commun des mortels une extension du domestique. Ce divertissement hautement pédagogique propose de partager l'expérience plaisante du mandat masculin ; insoutenable lorsque le point de vue change et que celui d'enfants, de femmes ou de milieux est adopté.


Le montage mettant en rapport les scènes de course avec les scènes familiales autorise la circulation de la violence entre ces deux champs supposés séparés. Dans DtS, la violence circule entre les sphères professionnelles et personnelles et les cimente.

Cette immense entreprise de pompe funèbre continue de tourner autour des circuits et de la Terre dans l'espoir que tout le monde reste bien à sa place.




Bibliographie

booste-la-popularite-de-la-f1-aupres-des-jeunes-et,159048.html

2. S i l v a D e r e k , P o d c a s t T h e e n d o f s p o r t

b7h9rCDQ

3. Elias Norbert « Sur le sport et la violence » in Norbert Elias, Dunning Eric Sport

et civilisation la violence maîtrisée ?, Fayard, 24

5. Juza Camille, Vaysse Matthias et Minault Eve, Viril (1/3) Aux racines du mâle, Arte -

6. Berlan Aurélien, Terre et Liberté, La lenteur, 21

515725997483

8. Taraud Christelle, Féminicides, une histoire mondiale, la Découverte, 22

tentative-d-homicide-7345713

10. Pauline Chanu, Podcast LSD Féminicides, la guerre mondiale contre les femmes,

épisode 2 En toute impunité France culture, 24

11. Segato Rita Laura, La guerre contre les femmes, un manifeste en quatre thèmes in

Féminicides, une histoire mondiale, la Découverte 22


Merci à Malte Daniel Hoekstra pour son expertise cinématographique.

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