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Photo du rédacteurTimothée Beaujard

L’Oreille musicale n°6 – Samples et nostalgie, de la house de Chicago au breakbeat britannique. 1/2



Nous soulignions dans L’Oreille musicale n°4 la façon dont l’utilisation de nouveaux instruments électroniques avait permis à la techno de sortir d’un carcan de codes sédimentés par une forme de nostalgie et d’autoréférentialité (l’évolution du prix des TR909, TR808, TB303 de seconde main et les nombreux clones de ces instruments à l’origine plutôt bon marché le montrent suffisamment). S’il y a, comme en toutes choses, une cyclicité de la mode, les musiques électroniques qui s’appuient sur l’usage de samples vocaux, constituent de fait des genres propices à la nostalgie au travers d’une intermusicalité revendiquée. Au tournant des années 10, la house était le genre qui exploitait le plus ce terrain en multipliant les citations plus ou moins directes des classiques de New York ou de Chicago. Le genre, accessible, s’était alors diffusé très au-delà des cercles habituels de la musique électronique, accompagné par des médias comme Boiler-Room.

Depuis dix ans cependant, les regards se tournent de façon croissante vers la galaxie du breakbeat britannique, c’est-à-dire l’ensemble des genres dont la rythmique repose sur des samples de ponts de batterie tirés de morceaux jazz ou funk (Breakbeat Hardcore, Jungle, Drum’n’Bass…). On pense ainsi au morceau de Jamie XX ‘All Under One Roof Raving’ sorti en 2014 et qui constitue une sorte de catalogue de samples mobilisés par le breakbeat hardcore.


Face A T. Williams – Raves of Future Past [Purple City] sorti le 2 février 2024

UK Breakbeat, Jungle




Dans ces conditions un certain nombre de producteurs restés fidèles à ces genres connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt mérité tout en continuant d’expérimenter au sein des contraintes rythmiques et stylistiques héritées des années 1990 et 2000. C’est le cas du producteur londonien T. Williams qui a sorti le 2 février 2024 un excellent LP au titre révélateur Raves of Future Past sur Purple City. Le morceau ‘Step in 2’ s’ouvre ainsi sur des samples vocaux et de scratch filtrés qui rappellent les vieux vinyles de jungle et l’héritage du dub jamaïcain qui va avec jusqu’à ce que 30 secondes plus tard les percussions n’interviennent, mettant en évidence le contraste avec le sound-design contemporain.



                                        

 

Face B1 Leon Vynehall – It’s Just (House of Dupree) [3024] sorti en 2014

House, Deep-House




Parallèlement, on constate qu’un grand nombre de producteurs, notamment de house, tendent le cou vers les références aux raves britanniques pour nourrir les souvenirs des plus âgés et les fantasmes des plus jeunes. De fait, les rythmiques breakées se multiplient et les artistes incorporent de plus en plus de vocaux pop et R’n’B. On peut, par exemple, étudier l’évolution de la musique de Leon Vynehall depuis son légendaire ‘It’s Just (House of Dupree)’ au plus récent ‘Duofade’. Alors que le premier morceau prend son temps pour célébrer la house classique des année 1990 et Paris Dupree, le deuxième, sans se départir de la rythmique 4/4, condense en 3 min 58 l’ensemble des évolutions modernes du registre.


Face B2 Leon Vynehall – Duofade [Studio Ooze] sorti en décembre 2023

House, UK Garage



 

De la même façon, on peut mesurer l’évolution du duo londonien Bicep entre ‘Vision of Love’ sorti en 2012



 et ‘Helium’ sorti en janvier 2024




Dans un cas comme dans l’autre on observe toute l’influence d’Overmono et de leur efficacité imparable sur le dancefloor. Sans doute y a-t-il une part d’opportunisme dans ce virage stylistique opéré par la scène house mais il en résulte, indéniablement, un certain nombre d’hybridations audacieuses et bienvenues.

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