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Littérature Au Centre : « Cette année, avec « Littérature et images », notre festival entend restituer l’intensité et l’émotion du visible » (9e édition)


Affiche (c) Céline Beaune


Avant de marquer une brève pause, uniquement ponctuée des nouveaux épisodes de « Cracker l’époque », pour mieux revenir le lundi 22 avril, Collateral est heureux de vous annoncer son partenariat avec l’enthousiasmant Festival « Littérature au Centre » de Clermont-Ferrand. Pour sa 9e édition qui, cette année, se déroule du 8 au 14 avril, le Festival explore un nouveau thème ou plutôt une discipline artistique qui s’adosse à la littérature. Cette fois, le festival se place sous le signe de l’image fixe : photo, tableau, street art seront évoqués en compagnie d’un riche programme d’autrices et d’auteurs qui va notamment de Célia Houdart et Hélène Gaudy à Emma Marsantes et Sylvain Prudhomme en passant par Gérard Macé et Eric Reinhardt. Pour en parler, Sylviane Coyault et Myriam Lépron, maîtresses d’œuvre du Festival, répondent à nos questions le temps d’un entretien.

 

 

 

Comment vous est venu le souhait de consacrer la 9e édition du Festival « Littérature au Centre » à la question du lien entre image et littérature ? Vous citez d’emblée dans votre présentation de votre riche programmation la célèbre formule du poète latin Horace : « Ut pictura poesis » : s’agissait-il pour vous de souligner sans attendre que l’ambition de la littérature est avant tout de représenter, de mettre en avant à la fois un art de la représentation du réel et un art qui sollicite l’imagination ?

 

Cela correspond tout d’abord à notre ambition de montrer que la littérature n’est pas isolée, mais qu’elle entre nécessairement en résonance avec d’autres arts. Dès la première édition, avec « littérature et musique », nous avons affiché cette volonté, poursuivie deux ans plus tard par « littérature et cinéma ». Avec « littérature et cuisine », il était toujours question de création. C’est donc l’acte (le geste) créateur que nous interrogeons à chaque fois. Nous songeons bien sûr au souci de représentation indiqué dans l’Ut pictura poesis, mais ici en le prenant quasiment au sens propre : qu’est-ce que la description peut emprunter à l’art du peintre, ou du photographe ? est-ce ou non un modèle de représentation ?

 

 

Un des aspects remarquables de votre programme, c’est la pluridisciplinarité de nombre de vos invités. Ainsi, comme Emma Marsantes notamment, ils sont nombreux à lier deux activités artistiques : l’activité d’écriture et l’activité plastique, qu’ils soient photographes, peintres ou aussi bien sculpteurs. Ces dernières activités plastiques ne sont-elles pas, comme vous le suggérez, « pareillement de la poésie » ? Existe-t-il, bien plus qu’on ne pense, une identité disciplinaire finalement entre ce qui relève du visible et du dicible ?

 

C’est exactement ce que nous voulons interroger pendant ce festival : cet aller-retour entre les deux pratiques créatrices, puisque, comme vous le remarquez, nous avons volontairement choisi des autrices et auteurs qui oscillent entre le texte et la représentation picturale. Le mot poésie surgit naturellement sous la plume des critiques d’art – qui sont, Baudelaire en tête – souvent des poètes. D’ailleurs, dans les deux cas – écrivain / photographe, peintre etc.. – il s’agit d’abord de voir, et de donner à voir. Depuis Rimbaud, et sans doute bien avant, le poète, ou l’écrivain, est un voyant, pas seulement parce qu’il imagine, mais parce qu’il voit mieux le réel, et nous aide à le voir. C’est aussi ce que permet  l’image, cette fois au sens de figure littéraire (métaphore etc...).

Je pense enfin à ces vers de Reverdy (La Lucarne ovale)

 

On ne peut plus dormir

tranquille  quand  on  a

une fois ouvert les yeux.

 

Cette  intranquillité de ceux qui ont « vu » habite l’écriture. Il s’agit de restituer l’intensité et l’émotion du visible.

 

 

Ce qui ne manque également pas de frapper en parcourant votre programme très varié, c’est de mesurer combien l’image que vous convoquez, aussi bien chez Gérard Macé, Hélène Gaudy ou encore Célia Houdart, est une image fixe. Photographie ou tableau : l’image fixe est au cœur de ce festival. Pourquoi était-il important pour vous d’en souligner l’importance en littérature ? A l’origine de nombreux récits, récits muséaux quand il s’agit de tableaux, ou récit d’archives quand il s’agit de photographies, en quoi l’image fixe offre-t-elle une poétique du récit différente de l’image en mouvement, du cinéma qui fut à l’honneur d’une précédente édition du Festival ?

 

Le récit induit par l’image fixe, comme le programme le montre, prend des formes très diverses : soit qu’il permette d’imaginer des vies de peintres, soit que le tableau lui-même porte en lui une histoire : il y a du mouvement de la vie, donc de quoi raconter dans les tableaux de Brueghel : des gens qui chassent qui patinent, qui mangent, un repas de noces, une mariée, et en arrière-plan l’Histoire tragique... C’est une excellente matrice narrative. Quant à la photographie elle nous parle du temps : un instantané, un moment du passé, et à partir de là nécessairement la machine narrative se met en route... le roman n’est-il pas un art du temps ?

 

 

On parle d’image fixe mais les exemples sont encore plus variés que ceux que nous venons d’évoquer : le festival aussi noue aussi comme toujours des liens étroits et forts avec la création la plus contemporaine. Vous convoquez ainsi des pratiques aussi diverses que le roman-photo, le Street Art ou encore la bande dessinée. En quoi vous paraissait-il nécessaire de sonder, dans le cadre du Festival, l’ensemble de ces pratiques ? Qu’ont-elles de neuf selon vous dans l’articulation du texte et de l’image ?

 

Nécessaire parce que ces formes artistiques se situent au croisement de plusieurs pratiques. Elles sont le lieu de l'expérimentation, de l'hybridité, elles questionnent le rapport traditionnel entre le texte et l’image. Le roman-photo repose sur un rapport particulier au réel, quant au Street Art, sa présence dans l'espace public est un geste artistique et politique.

 

 

Enfin, comment avez-vous réuni une telle pléiade d’autrices et d’auteurs ? Comment s’est déroulée l’élaboration de ce programme ? Vous terminez votre présentation par un mot d’ordre : « Enivrez-vous ! » : désiriez-vous ainsi souligner ce plaisir de voir que suscite la contemplation de l’ensemble des images que vous convoquez ?

 

Nous nous efforçons toujours – comme le permet une contrainte oulipienne – de combiner de toutes les manières possibles les deux termes de notre titre : ici le texte et l’image. Cela nous conduit à la BD, au roman photo... Mais la littérature est elle-même tellement riche de tous ces possibles que la diversité foisonne.

Enivrez-vous : car nous souhaitons que ce festival soit au sens propre une fête, qu’il donne du plaisir et pour cela nous tenions à cette diversité d’approches, d’images, de voix. En ces temps sombres, où la montée de l'extrême droite dans de nombreux pays fragilise la culture, où elle est réduite à néant dans les pays en guerre, inféodée à l'état dans les dictatures, oui, nous souhaitons que ce festival soit une fête, une résistance joyeuse et partagée.


(Propos recueillis par Johan Faerber)




Festival Littérature au Centre, 9e édition, du 8 au 14 avril, Clermont-Ferrand, Maison de la Culture, Hôtel littéraire Alexandre Vialatte. Entrée libre.


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