Comment aborder l’écriture d’un deuxième roman quand votre premier roman publié connaît un foudroyant succès critique et public ? Existe-t-il ce que l’on pourrait appeler un « effet premier roman » qui intimiderait l’autrice ou l’auteur dans son geste d’écriture ? Autant de questions aussi délicates que sensibles auxquelles Marie Vingtras a accepté de répondre pour le dossier de Collateral. Après la tornade de Blizzard, son premier opus qui a triomphé lors de la rentrée 2021, la jeune romancière fait paraître cette année, Les Âmes féroces, toujours aux Editions de L’Oliver et toujours aussi remarquable dans sa puissance narrative.
Comment est né ce deuxième roman, Les Âmes féroces ? A-t-il trouvé son début d'écriture au moment même où votre premier roman, Blizzard triomphait tant auprès de la critique que du public ? Ou bien est-il né, plus au calme, dans l'après-coup de l'engouement ?
J’ai commencé ce roman en février 2020 alors que je venais à peine de poster Blizzard. Je savais que les chances d’être publiée étaient faibles et je ne voulais pas m’arrêter à un échec. Le roman a avancé à un rythme assez soutenu jusqu’à la sortie de Blizzard qui a marqué un coup d’arrêt de plusieurs mois. La promotion a été très prenante, en particulier après le Prix des Libraires, et il m’a fallu un certain temps pour retrouver le désir d’écrire à nouveau.
Est-ce que le succès, aussi impressionnant que mérité de Blizzard, vous a intimidée pour l'écriture de ce nouveau récit, Les Âmes féroces ? N'avez-vous pas craint ce que l'on peut appeler un "effet premier roman", lié au poids même qu’est susceptible de faire peser un tel succès, comme si, d'une certaine façon, votre écriture devait peut-être mettre à l'écart ce succès pour débuter ?
Pendant la promotion de Blizzard, j’ai effectivement réalisé que les seconds romans n’étaient pas toujours lus avec autant de bienveillance que les premiers romans qui semblent être une vraie passion française ! Après ce temps de latence et de doute, j’ai repris mon manuscrit là où je l’avais laissé plusieurs mois auparavant avec un regard peut-être plus rigoureux. C’est un livre qui me ressemble davantage et il était inconcevable de ne pas aller jusqu’au bout…quel que soit le sort qui lui serait réservé à terme.
Ce qui frappe à la lecture de ce deuxième roman, c'est à la fois la continuité de l'univers du premier roman mais aussi le souci de creuser jusqu'à l'écart cet univers qui est le vôtre : marquer un territoire, affirmer une singularité d'écriture. Est-ce que ces deux éléments constituaient pour vous les guides de votre deuxième récit ?
Curieusement je n’ai même pas pensé en commençant ce roman au fait que la structure et le cadre étaient – en apparence – identiques : un roman choral, quatre personnages, l’Amérique. De ce point de vue, je ne peux pas nier une forme de continuité qui, au fond, est parfaitement logique : ce pays est pour moi une terre de fiction par excellence et je ne me suis toujours pas lassée de l’écriture à la première personne. Pourtant, dans mon esprit, les deux romans sont très différents. Au manichéisme de Blizzard s’opposent les nuances des personnages des Âmes Féroces. Aucun d’entre eux n’est totalement innocent, ni totalement coupable, ils sont juste profondément humains. La question qui m’intéresse n’est finalement pas qui a commis ce meurtre mais quels cheminements intérieurs peuvent mener à un tel acte.
Enfin une dernière question : aborde-t-on la parution d'un deuxième roman de la manière que la sortie du premier ?
Clairement non. J’étais sur un petit nuage à la sortie de Blizzard, je n’attendais rien de précis, si ce n’est avoir cet objet entre les mains et rencontrer enfin des lecteurs. C’était presque un plaisir d’enfant. Pour les Âmes Féroces, l’effet de surprise – et de nouveauté – étant passé, je me suis préparée à une rentrée probablement moins douce. C’était sans compter la fidélité et la bienveillance des libraires !
Marie Vingtras, Les Âmes féroces, Editions de L'Olivier, août 2024, 272 pages, 21 euros
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