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Les mots de ma mère : Cap de muol (« Quel cap de muol ! ») & « Tout me résiste »

  • Photo du rédacteur: Marie-Odile André
    Marie-Odile André
  • 21 mars
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 avr.


Béziers, années 60
Béziers, années 60


L’enfance est traversée de mots.

Mots comme des évidences.  Mots que l’on n’entend pas.

On ne les entend que lorsqu’ils sont devenus une trace. Ce qui reste du passé, de l’enfance, de la figure maternelle.

Il est temps alors de les recueillir.

En voici quelques-uns.






Cap de muol (« Quel cap de muol ! »)

Le « cap de muol » c’est moi. La formule est presque exclusivement exclamative. Découragée. Je suis une enfant têtue, indocile, et tout l’épuisement éducatif de ma mère se condense dans cette exclamation.

Dans « cap de muol », il y a du dur et du mou. La dureté et la brièveté des sonorités du mot cap, et sa connotation géographique. Plus que la tête occitane, c’est la géographie française d’école primaire qui se fait entendre pour moi dans « cap » : ce qui s’avance pour défier la mer, ce qui, surélevé et rocheux, résiste ou nargue. Le cap est éminemment breton. Il a un côté finistérien. N’ayons pas peur des postures nobles. 

« Muol » miaule plus qu’il ne mugit. On change d’horizon et de registre. L’affaissement présent au cœur du mot, l’étirement accentué de ses voyelles centrales, disent quelque chose de bien différent, loin de la noble bravade. Un creux plutôt, un évitement, un défaut de résistance qui fait s’effondrer la volonté antagonique de l’autre. La mule est molle et c’est par là seulement qu’elle peut vaincre la terrible volonté maternelle.






« Tout me résiste »



C’est la formule par excellence qui résume le rapport que ma mère entretient avec le monde. Elle se bat jour après jour contre lui dans un affrontement toujours recommencé et toujours perdu.

Ce qui « résiste », c’est au premier chef tout ce qui, normalement, devrait l’aider dans ses tâches domestiques, les objets familiers qui sont censés être à son service et qui prennent au contraire un plaisir pervers à ralentir, entraver, contrarier ses actions et ses mouvements. Contre lesquels elle passe le plus clair de son temps à buter, à pester et à lutter avec un mélange d’intense énergie et de profond désespoir.

Pour ma mère, le monde est fondamentalement et résolument hostile. C’est qu’elle voudrait l’impossible : un pouvoir absolu et apaisé à la fois sur tout ce qui l’entoure.

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