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"Muganga - Celui qui soigne" : Un film de Marie-Hélène Roux à voir absolument

  • Photo du rédacteur: Christiane Chaulet Achour
    Christiane Chaulet Achour
  • il y a 50 minutes
  • 13 min de lecture

« Muganga - celui qui soigne » réalisé par Marie-Hélène Roux Petites Poupées Production
« Muganga - celui qui soigne » réalisé par Marie-Hélène Roux Petites Poupées Production

« Le monde ferme les yeux »



Un film en ce mois de septembre 2025



Ce mois de septembre, grâce au circuit UNIPOP (Université populaire de ville en ville), le film Muganga - Celui qui soigne a pu être vu en avant-première dans de nombreuses villes. Il sera en salle à partir du 24 septembre. Réalisé par Marie-Hélène Roux en 2025, avec la collaboration de Jean-René Lemoine pour le scénario, il a été produit dans trois pays : la France, la Belgique et le Gabon. Défini comme « drame biographique », on y entend trois langues : le français, le swahili et le lingala. Il a été présenté au festival du film francophone d’Angoulême en 2025 ; il a secoué le public de cette 18ème édition du Festival  et a eu trois prix dont le prix du public. Le film a été tourné en 2023 entre le Gabon, la Belgique et les USA. 


Son sujet est l’action menée pendant des années par le Docteur Denis Mukwege, médecin congolais (né en 1955 à Bukavu), pour « réparer » des milliers de femmes congolaises victimes de viols et de violences sexuelles, soutenu par le chirurgien belge, Guy Cadière qui apporte son expertise en endoscopie chirurgicale pour améliorer encore ces interventions et décupler leur réussite.

La réalisatrice et scénariste française a réuni pour interpréter ces deux médecins, Isaach de Bankolé, l’acteur ivoirien, pour Denis Mukwege et Vincent Macaigne pour Guy Cadière. Une pléiade d’actrices complète brillamment ce casting en une interprétation où jamais ne sonne une fausse note. 


La cinéaste tient à souligner que son film est une fiction et non un documentaire. Toutefois l’histoire racontée s’appuie en grande partie sur la vie même des deux protagonistes.


Isaach de Bankolé et Vincent Macaigne
Isaach de Bankolé et Vincent Macaigne

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Dès le 28 août 2025, Laurence Houot pour France info Culture interviewait l’acteur principal et la réalisatrice. Son entretien est précédé de données accablantes : plus de 130 000 viols recensés dans le pays en 2025, en grande partie dans l'est du pays. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés a donné le chiffre de près de 900 viols dans l’est du pays en deux semaines, uniquement pendant la première quinzaine du mois de février 2025.


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C’est en 1999 que le Docteur Mukwege a fondé l’hôpital de Panzi, lieu central du film et parallèlement il a dénoncé autant qu’il le pouvait l’inaction internationale, cette brutalité faisant partie d'une stratégie pour contrôler les ressources minières du Congo. Son combat a été reconnu par l’obtention de nombreux prix dont le prix Nobel en 2018 ; concrètement rien ne bouge pour stopper cette violence.


La réalisatrice a pris conscience de cette monstruosité en 2014 en lisant Panzi, coécrit par les deux médecins. 


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Elle a été  « bouleversée par la force et l'humanité qu'il y a chez ces deux hommes, car c'est un binôme… ». Pour que le monde sache, le cinéma est « le plus grand vecteur d'émotion et de communication », dit-elle.


Isaach de Bankolé a adhéré au projet qui le sortait des rôles de Noirs qu’on lui proposait habituellement : « Je me suis dit, ça, c'est magique, parce que c'était pour moi en fait le deuxième film qui parlait des choses qui me tenaient à cœur, des choses dont on ne parle pas souvent, de l'Afrique, de l'Afrique oubliée. Le premier, c'était Chocolat, que j'ai tourné avec Claire Denis. Quand j'avais lu le scénario, je m'étais demandé comment une personne comme ça pouvait saisir ce qui est invisible du côté de l'Afrique. Et quand j'ai rencontré Claire Denis, j'ai été surpris de savoir que c'était une Blanche qui était née au Cameroun. Quand j'ai su que Marie-Hélène Roux était née au Gabon et qu'elle avait grandi, comme Claire Denis, en Afrique, je me suis dit, il n'y a pas de hasard ». 


Incarner ce rôle a été, pour lui un challenge, son premier grand rôle : « Donc, il fallait se faire petit pour incarner un personnage aussi grand ». Il raconte comment il a préparé ce rôle et son déjeuner ave le docteur Mukwege. La réalisatrice  quant à elle insiste sur sa réalisation qui suit le conseil de son maître de théâtre, « suggérer, c'est créer, montrer, c'est détruire ». Il faut trouver un rythme qui permette au spectateur de faire son chemin dans ce qu’on lui raconte. Et si le duo des médecins est essentiel, les femmes dans leur diversité, sont l’épine dorsale du film. Elles créent, avec le médecin, ce refuge, cet « havre de paix au milieu de l’enfer » comme le dit Denis Mukwege.


La première scène du film est un coup de poing et installe le spectateur en position de réceptivité et de malaise pour ce qui va suivre, enlevant toute ethnicisation à la violence. Le spectateur est interpellé : « Il faut arrêter de se voiler la face sur cette situation qui perdure depuis plus de trois décennies. […] L'art permet ça ». La réalisatrice confie que les deux médecins ont merveilleusement reçu le film : « Il faut savoir que le Dr Mukwege est l'homme le plus récompensé au monde. "J'ai reçu tous les prix. Et je crois aujourd'hui que seule une fiction peut permettre un changement", a-t-il dit».


Le film fait alterner, sans voyeurisme, les scènes les plus brutales et les scènes d’une grande humanité. En s’attardant sur les visages des femmes, il n’est pas besoin de mots pour entrer dans leur souffrance pourtant difficile à faire nôtre. Les « réparées » (non seulement physiquement mais aussi psychologiquement) viennent en aide aux « traumatisées à vif ». Des séquences restent fortement en nous comme celle de l’échange du collier de la femme si abîmée et de la fille du Docteur Cadière, chirurgienne en formation et jeune femme métisse. C’est aussi un exemple exceptionnel du dépassement du colonialisme que ce binôme de médecins congolais/belge avec toutes sortes de symboles que la fiction dépose ici et là dans telle ou telle scène, sans insister… « suggérer c’est créer ».


Ce film dérange mais il répare un peu notre impuissance face à la furie et aux maux du monde. Il faut le voir !




Lire La Force des femmes (2021)


Avant ou après le film ! Des livres sur l’action du docteur Mukwege ne manquent pas en 2019, en 2023 :


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Celui qui m’a profondément marquée et que j’incite vivement à lire, qu’on voit le film ou non, est son livre de 2021, La Force des femmes, hommage vibrant aux femmes du Congo : un récit glaçant et argumenté de ce qu’elles subissent et de la force qu’elles déploient pour continuer à vivre mais aussi du viol comme arme de guerre et d’interrogations sur la masculinité et sa toxicité. Sa lecture est un impératif. Car ce récit est remarquable. Ecrit sur et « avec » des femmes sans paternalisme ni condescendance. 

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Les deux premiers chapitres sont autobiographiques puisqu’il raconte son cheminement de l’enfance à son choix de la médecine dans « Le courage maternel » et « la naissance d’une vocation ». Vient ensuite le chemin vers la gynécologie dans « Une crise sanitaire féminine » et les premiers actes médicaux accomplis. La région où il est né et où il réside et soigne est proche du Rwanda. Survient alors l’afflux dans le conflit Hutu/Tutsi et la « réparation » de fistules. Il raconte aussi le devenir des survivantes dans « Crise et résilience ». Mais il prend conscience assez rapidement, à partir de cas concrets racontés avec sensibilité et précision, que réparer physiquement ne suffit pas qu’il faut aussi aider ces femmes à se reconstruire psychologiquement : « Souffrance et force ». C’est l’idée de créer « La cité de la joie » reposant sur la détermination de quelques survivantes.

Le chapitre 6 intitulé « De l’autre côté du miroir » passe du côté des hommes. Pourquoi les hommes violent-ils ? Il consacre quelques pages au jeune violeur venu le voir et dont il détecte son profond mépris des femmes et son absence de remords. Il qualifie cet entretien de « répugnant, scandaleux, absurde ». Mais dans ce chapitre aussi, il parle de sa rencontre devenue collaboration et amitié avec Eve Ensler, l’autrice des Monologues du vagin.


Sa conviction est de « Briser le silence » en témoignant dans tous les lieux possibles mais il faut aussi faire bouger le monde de la justice, « pour que justice soit rendue ». Dans « Reconnaissance et mémoire », il met en lien le peu d’écho qu’a eu son prix Nobel au Congo et le fait de ne pas reconnaître la souffrance des femmes. L’excellent chapitre 12 est consacré aux hommes, « Les hommes et la masculinité » et le chapitre 13, « Gouvernance » désignent les pouvoirs et son positionnement à lui pasteur d’une petite église de Bukavu. Certains de ses proches ont perdu la foi, incapables d’accepter qu’un Dieu charitable observe les massacrés perpétrés au Congo depuis plus de vingt ans : « sans la foi, je sais quant à moi que je n’aurais pas continué toutes ces années ». Il développe son argumentation en dépassant largement son expérience pour évoquer les religions dans le monde.

Avant de noter les moments du livre qui m’ont le plus marquée, je voudrais circonscrire l’économie même du récit. La Force des femmes est tout à la fois un récit de vie de celui qui est devenu par la force des choses, « expert dans le traitement des fistules obstétricales », la transmission des récits des femmes soignées et des réflexions très approfondies sur les questions que ces violences entraînent, au niveau du Congo mais, en cercles concentriques de plus en plus larges, à l’échelle du monde, avec à l’appui, des cas concrets, des statistiques et des revendications claires sur les mesures à prendre. Se dessine aussi, de page en page,  milices, de l’armée dite régulière, des présidents et des responsables.


Très soucieux du vocabulaire utilisé, le narrateur s’en explique dans son introduction, donnant l’acception qui est la sienne de « patiente », « victime » et « survivante ». Le premier est le plus neutre, le second est le terme consacré, même s’il est contesté par certaines féministes. Pour lui « il sous-entend une posture plus active, plus courageuse, plus dynamique » en ayant conscience que toutes les femmes ne peuvent pas toujours surmonter le traumatisme. Le troisième terme désigne bien toutes les femmes qui arrivent à l’hôpital : « dans les premiers temps, aucun autre terme ne semble plus adapté à des femmes battues, violées collectivement, blessées par balle, mutilées, affamées ». Le projet de l’équipe médicale est de faire des victimes des survivantes : « si une femme arrive en ayant l’impression d’être une victime, nous souhaitons qu’elle ressorte de l’hôpital avec la confiance d’une survivante. Ce processus est l’essence même de notre travail à l’hôpital de Panzi que j’ai fondé en 1999 ».


Dès cette introduction  aussi, il affirme la nécessité de mettre en place ce qu’il nomme la « masculinité positive », « une autre manière d’éduquer les garçons afin de briser le cercle vicieux des relations genrées qui relèguent les femmes à un rôle de citoyen de seconde zone ».

On pourrait multiplier les exemples de cette mise en visibilité de l’écrasement des femmes, du mépris qui accompagne leur vie au quotidien et des énormes tâches qui leur sont dévolues.  Il a mis un certain temps à mettre en relation tout cela avec ce qu’il réparait comme médecin : « rétrospectivement, je comprends qu’il s’agissait là de mes premiers pas vers le développement d’une conscience féministe. J’entamais alors un voyage d’apprentissage et de compréhension qui a continué toute ma vie ».


Le Dr. Mukwege tient à revenir sur une expression couramment employée, désignant le Congo comme « la capitale mondiale du viol » : « Cette étiquette malheureuse nous colle à la peau un siècle après que mon pays est devenu le Cœur des ténèbres à cause du roman éponyme de Joseph Conrad ». Il démontre que le viol se pratique « dans toutes les sociétés où les hommes détiennent le pouvoir social et politique et où les femmes sont reléguées au rang d’objets et de citoyens de seconde zone ». Il cite l’exemple de l’ex-Yougoslavie, de la Seconde guerre mondiale et du Viet-nam ; dans la suite, il en citera d’autres, avec documents à l’appui. Il insiste alors sur la perte de soi-même que vit une femme violée : « Ne plus avoir le contrôle de ses parties génitales provoque un important désordre mental et un sentiment d’humiliation que les bourreaux connaissent bien ». Aussi la réparation ne peut être uniquement chirurgicale, elle doit être aussi psychologique et existentielle.


« A plusieurs reprises, j’ai douté de ma capacité à continuer. Je sentais mon travail me broyer, la tristesse m’envelopper comme un linceul. Ma foi en l’humanité a parfois été ébranlée. Il y a des limites à ce qu’on peut accepter de voir en termes de corps déchirés, de vies et de communautés détruites ».


Les récits à l’appui de ses doutes et de ses avancées sont bouleversants : ainsi, dans le chapitre 5, l’histoire de Wamuzila remise dans le contexte de la région où elle a vécu et où elle a été violée, esclavagisée et torturée. Il n’est  pas exagéré de dire qu’on en apprend autant sur les viols de masse et la brutalité pratiquée que sur l’histoire du Congo et de son pays limitrophe, le Rwanda. La description  des quatre opérations qu’elle a dû subir est précise. Une fois remise physiquement et « réparée » psychologiquement, il a fallu la renvoyer chez elle, malgré les risques que tout recommence, malgré ses pleurs et sa résistance… Et tout a recommencé ! Mais l’hôpital n’avait pas les moyens de la garder plus longtemps : « Nous n’avions accompli qu’une fraction de ce qui était nécessaire pour la rétablir. Elle m’a aidé à comprendre que nous devions faire plus que simplement soigner les blessures et les traumatismes. Il fallait nous engager dans une bataille culturelle contre les préjugés, le sectarisme et l’exclusion. Il fallait éduquer et encourager les changements sociaux pour que les survivantes des violences sexuelles sentent qu’elles avaient une chance, qu’avoir été violée ne constituait pas une condamnation à perpétuité, qu’elles pouvaient surmonter la stigmatisation dont elles étaient victimes ».


S’interrogeant sur le passage à l’acte des violeurs, il récuse l’idée de les traiter de monstres, ce qui donne un certain confort intellectuel mais qui est inexact. La vraie question est de remonter l’enchaînement, de comprendre les causes – qu’est-ce qui conduit un adolescent puis un jeune homme « à aimer faire le mal » ?– et de ne pas s’attacher qu’aux conséquences : « L’histoire de ce jeune homme est un aperçu de ce qui s’est passé au Congo ces vingt-cinq dernières années : l’utilisation généralisée d’enfants-soldats explique en partie la prolifération de comportements extrêmes et sadiques. Mais comment cela a-t-il commencé ? Pourquoi l’hôpital de Panzi a-t-il été soudain submergé de femmes gravement mutilées vers la fin des années 1990 ? La seule explication plausible, c’est que la violence du génocide au Rwanda, une violence qui rend les gens brutaux et insensibles, a franchi la frontière congolaise, que le conflit entre Tutsi et Hutu s’est déplacé dans mon pays avec les deux invasions de 1996 et 1998 ».


Entrant plus profondément dans les explications, il fait état d’enquêtes qui ont montré la superposition entre prolifération de viols d’une extrême violence et exploitation des richesses du sous-sol, minerais, métaux et diamants. Le viol des femmes est bien une arme de guerre qui permet de nettoyer le terrain des agriculteurs pour le laisser libre à l’exploitation du sous-sol : « Au-dessus des seigneurs de guerre, il y a les membres de l’élite financière, politique et militaire. […] Ils travaillent avec une kyrielle d’homme d’affaires véreux et de multinationales qui permettent de blanchir cette production rougie de sang en l’injectant dans les chaînes de production mondiales ». C’est vertigineux de lire ces pages exposées avec mesure et détermination. 


Tout le monde connaît le discours de Martin Luther King, « I have a dream »… prononcé le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial, à Washington. C’est aussi sur un rêve que se clôt cet ouvrage prenant et accusateur de dérives horribles, rêve pour un avenir pour les femmes, rêve de respect, d’égalité et de justice : « J’imagine aussi un avenir où les agressions sexuelles seront vues comme les méfaits d’une époque certes brutale mais révolue.

Je crois fermement que tout ce que j’ai énoncé est désirable et possible ».




Des statues nouvelles

De façon récurrente, il est de bon ton sur les plateaux télé de demander aux intervenants des anciens pays colonisés ce qu’ils pensent du déboulonnage des statues dans l’espace public des anciens empires. Ce fut encore le cas lors du débat qui a suivi le documentaire diffusé sur France 2, le 18 janvier 2022, « Noirs en France » où la question ne s’imposait pas. Chacun(e) a botté en touche pour ne pas apparaître comme un « éradicateur » de l’Histoire, fût-elle celle qui a écrasé son peuple.


En les observant ramer comme ils le pouvaient pour répondre, je repensais à un passage du livre de Denis Mukwage qui m’a à la fois marquée et enchantée. Il s’est rendu à Shabunda (Congo oriental, isolée dans la forêt du bassin, à 317 kms de Bukavu), riche, pour son malheur, de minerai d’or, pour participer à une mission de l’ONU sur les Droits humains car les communautés de Shabunda ont été particulièrement exposées à la brutalité des guerilleros, avides des richesses de la région.

D. Mukwage découvre, au centre de la ville « une statue érigée en hommage aux survivantes » :


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« Moulée en bronze sur un piédestal de béton, la statue représentait une femme assise par terre, un bras derrière elle, la main au sol pour supporter son poids ; l’autre main était plaquée sur son front, elle avait la tête inclinée en arrière vers le ciel, et sur ses traits, on lisait la poignante expression de quelqu’un qui se serait résigné à subir une douleur secondaire et inattendue. Cette pose suggérait la souffrance physique et, pourtant, cette femme semblait avoir encore la force de se remettre d’aplomb ». 


Il précise encore que la statue est orientée vers l’Est, vers le Rwanda, les voisins du Congo « que la communauté considérait comme la source de ses malheurs et de ses peurs ». Pour lui, cette statue est une étape « dans le processus de reconnaissance des femmes de Shabunda. C’était la première fois que je voyais un hommage public aux femmes victimes des guerres au Congo. Il n’y a rien de tel à Bukavu ». Observant les femmes qui sont là, celles qui viennent voir la statue, il se rend compte que les survivantes y puisent leur courage et y lavent leur honte. Ne s’arrêtant pas là, il pose la question : « Combien de statues ou de monuments en hommage aux victimes de viol avaient été érigées à travers le monde ? Depuis les deux guerres mondiales, presque chaque village français et britannique possède un monument destiné à commémorer les soldats morts ou blessés au combat pendant ces terribles conflits ». 


On exhorte ainsi à ne pas oublier leurs sacrifices. Mais qui se souvient des milliers et millions de femmes violées, d’enfants nés de ces viols ? : « L’instinct qui pousse à dissimuler les abus au niveau individuel, quand on dit aux femmes de ne pas faire de vagues parce qu’elles ont subi un acte honteux, fonctionne tout autant aux niveaux institutionnel et gouvernemental. Les femmes font de la guerre et des conflits une expérience différente. Elles y combattent rarement, elles n’en sont presque jamais les inspiratrices, mais le coût pour elles n’en est pas moins lourd ».


Aussi, le Dr. Mukwage insiste sur une autre manière d’entretenir la mémoire des guerres, mémoire qui ne doit pas oublier les femmes et les crimes sexuels qui ne sont pas un épiphénomène mais partie intégrante des atrocités des guerres. Eriger cette statue anonyme rend justice à toutes ces femmes et sort le débat de sa personnalisation – tel ou tel personnage historique mérite-t-il de rester visible dans l’espace public ? –, au profit de la mise à l’honneur d’idées et de circonstances générales, de groupes anonymes mais ô combien nombreux et réels. Plusieurs exemples sont développés pour montrer le caractère mondial de cette atteinte à l’intégrité humaine. Alors la statue érigée prend un autre sens que l’hommage à telle ou telle personnalité de l’Histoire. 

La manière de commémorer fait partie du regard qu’on veut porter sur l’Histoire. Le choix de nos lectures de ce qu’on veut apprendre ou retenir de l’histoire de notre humanité contemporaine commune.



Bande-annonce





MUGANGA - Celui qui soigne, un film de Marie-Hélène Roux, France/Belgique, 2025, 1h45 avec Isaach de Bankolé, Vincent Macaigne…


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Denis MUKWEGE, La Force des femmes - Puiser dans la résilience pour réparer le monde, (traduit de l’anglais), Gallimard, 2021, 397 p., 20€


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