Stéphane Bouquet : “Je ne décide jamais de ce que je vais écrire : je me tiens dans la forêt du réel et je guette” (Tout se tient)
- Johan Faerber
- 29 avr.
- 12 min de lecture

N’y allons pas par quatre chemins : avec Tout se tient, qui vient de paraître chez P.O.L., Stéphane Bouquet signe sans doute son plus beau recueil poétique à ce jour. Si depuis bientôt deux décennies il a su s’imposer comme l’une des figures clefs du paysage littéraire contemporain avec notamment Un Peuple ou encore Vie commune plus récemment, Tout se tient reprend à la fois ce qui faisait la force de ses poèmes pour les explorer encore plus avant : au souci du lien entre les êtres pour faire communauté, à l’aimantation de la singularité quelconque répond désormais une plus large interrogation sociale et politique qui sonde l’histoire de la poésie, de ses formes pour questionner l’atomisme, le holisme, le vivant. Parce que nous avons la chance d’être les contemporains de Stéphane Bouquet, Collateral est allé à la rencontre du poète le temps d’un entretien autour de ce recueil majeur.
Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre superbe nouveau recueil, Tout se tient qui vient de paraître aux éditions POL. Comment est née cette suite de poèmes qui évoque aussi bien “1 mini / valise-cabine pour comprendre que nous sommes / plus seuls que les choses qui n’ont besoin de rien” que “pour l’essentiel, nous sommes sans droits” ? Comment comprendre le titre “Tout se tient” : s’agissait-il pour vous de renvoyer en premier lieu à la formule des Romantiques allemands selon laquelle “Tout est dans tout” ? S’agissait-il enfin de signifier d’emblée à l’instar de vos précédents recueils qu’il n’y a pas de différence générique entre les pièces en vers libres et les texte en prose continue car, décidément, “Tout se tient” ?
Tout se tient est, en effet, un titre polysémique. J’aimais bien d’abord que ce soit une expression commune, toute faite, qu’on peut entendre dans la rue ou au comptoir des cafés. Cela dit et bizarrement, ce n’est pas dans la rue qu’elle m’a frappé, mais bien plutôt en lisant des pages d’Auguste Blanqui. Blanqui a l’air de penser que des liens invisibles, mais qu’on peut découvrir si on les cherche, relie tous les états de la matière (de l’atome à l’univers en passant par les individus). Je cite l’extrait de L’Eternité par les astres, qu’il écrit en prison en 1871, et qui m’a tant ému que j’en ai tiré le titre : “Tous les corps, animés et inanimés, solides, liquides et gazeux, sont reliés l’un à l’autre par les choses même qui les séparent. Tout se tient.” Ce qui est quand même très beau dans son idée est que ce qui fait séparation est en fait le lieu caché ou secret du lien. Ensuite, vous avez raison : le socialisme (socialiste est ce qu’était Blanqui, ce qui lui valut des années de prison) et le romantisme ont de fortes affinités et derrière “tout se tient”, j’entendais aussi la lointaine résonance de Novalis dont pas mal de phrases m’ont elles aussi marqué, ainsi celle-ci : “la philosophie est le besoin d’être partout chez soi.” Ce qu’on pourrait aussi dire de la poésie, enfin de la poésie comme je l’entends. Il s’agit au fond de trouver son affinité avec le monde : de chercher les liens, voire de les créer. De ce point de vue, le mélange des genres (poème, récit, essai, etc.) que je pratique systématiquement (moins d’ailleurs comme une décision que comme un besoin, comme le besoin permanent de compléter) relève aussi de cette idée qu’il faut aller contre la séparation des genres mais montrer qu’ils cohabitent, qu’ils ont des rapports, que l’un ne va pas sans l’autre.
Pour en demeurer toujours à la riche signification du titre de votre recueil, Tout se tient parait plus que jamais chez vous renvoyer à un holisme où se dirait un faire-corps généralisé du monde. Dans vos poèmes se dit le désir sinon le souhait profond d’appartenir de manière indistincte au monde dont chacun aspire à n’être qu’un atome parmi d’autres dans une heureuse désappartenance. Vous écrivez ainsi “Tout se fond en moi aux frontières floues des choses”.
Ma question ici sera double : s’agit-il ainsi pour vous de proposer un poème holiste qui aspire à faire de l’homme une singularité quelconque ? Est-ce cette même vision holiste qui permet de reprendre ici une question qui vous est chère depuis l’entame de votre œuvre, à savoir la communauté et la manière de tresser d’un individu l’autre une somme de liens, celle qui vous pousse à “Imaginer un nous supérieur à nous” et qui fait que “nous sommes ensemble / dans la région de dissemblance” ?
Je pourrais répondre oui c’est exactement cela. Mais si j’essaie d’élaborer un peu, je me souviens que la première œuvre qui m’ait donné une piste sérieuse pour écrire (qui m’ait fait comprendre que je pouvais tenter la poésie et que je n’étais pas forcément voué au récit) est celle de Walt Whitman. Ce n’était d’ailleurs pas mon écrivain préféré, au sens où je me sentais beaucoup plus proche, plus ému par Woolf, Faulkner ou Duras – mais c’est celui qui m’a indiqué le chemin. Sans doute, parce qu’il y a une démesure chez lui qui le fait s’égaler ou devenir ou incarner le monde entier et donc chercher partout des liens et surtout des liens concrets, corporels, qui en passent par les sens (l’odeur, le contact, la sueur). Il a par exemple cette phrase : “Whoever you are holding me now in hand” : “Qui que tu sois qui me tient maintenant par la main”. Tout se tient, c’est aussi bêtement ce main dans la main. Et donc oui, il s’agit de proposer un poème qui inclut le plus possible et où l’être humain est une singularité parmi d’autres. Bien plus tard, j’ai découvert cette expression de singularité quelconque chez Agamben et ce qu’elle implique de désidentification, d’absence d’appartenance à une identité précise. Au fond, on pourrait dire en prolongeant Agamben qu’il s’agit d’appartenir à l’appartenance elle-même et c’est tout. Pas besoin d’y chercher une identité. Ce que je cherche est peut-être, oui, de retrouver cet holisme mais sans le côté bravache de Whitman (on pourrait dire son hubris). Un holisme où la place du poème (du poète) est moins assertive, plus douce.
Enfin, dans le sillage de “Ce qui nous tient serrés ensemble, dans ce zoo”, et peut-être davantage que dans vos précédents recueils, se donne à lire ici, au-delà de cet holisme, une vision atomiste du monde. Semble se fait jour une conception héraclitéenne du monde qui paraît presque héritée de la poésie antique selon laquelle “Tout se tient” parce que tout est atome et qu’il n’existe rien en dehors de la matière même ? Tout se tient parce que, par l’atomisme, écrivez-vous encore, “Après la mort, dans l’ensemble, il n’y a rien” ? Diriez-vous ainsi que l’atomisme règne dans vos poèmes puisqu’il s’agit par lui de retrouver à nouveau ce que vous nommez “la vie vivante” ?
Oui je suis profondément atomiste, même si les atomes ne sont plus la plus petite unité de la matière. Il faudrait peut-être mieux dire “quarkiste” aujourd’hui. Il y a cette particule que j’adore, le gluon, qui comme son nom l’indique est un peu la colle de l’univers, c’est celle qui fait tenir les quarks ensemble et donc nous aussi par la même occasion. C’est mon côté Démocrite. Le côté Héraclite (le côté “pánta rheî”, tout coule selon son rythme) relève plutôt de la solution formelle que j’ai trouvée pour mettre des gluons dans la langue si j’ose dire. A un moment, en effet, il m’a semblé que faire couler la langue de façon fluide (grâce à la syntaxe, aux sonorités, à la mise en page) était un moyen de tisser les choses diverses entre elles. Au fond, la vie est faite d’une multitude de petites unités qui, d’une façon ou d’une autre, trouvent à se relier les unes aux autres. C’est pour cela, je crois, que les métaphores du voisinage ou du fleuve me servent souvent de modèles pour écrire (faire voisiner les genres, par exemple) parce que ce sont des façons de faire coexister, co-vivre, les éléments distincts, de dépasser la séparation, de créer une sorte de clinamen, c’est-à-dire de rapprochement de hasard. L’atomisme, au-delà d’être ce que je crois être la réalité physique du monde, est aussi ce qui me fournit une sorte de boussole pour orienter mes choix formels : les choses ne se fondent pas les unes dans les autres, elles se relient, elles trouvent des liens. Les longs poèmes que j’écris parfois ont cette ambition justement de faire apparaître des liens entre ce qui a l’air de n’avoir aucun rapport (y compris par exemple dans les niveaux de langue).
Un des points les plus remarquables de Tout se tient consiste à explorer l’approche écopoétique qui a toujours été la vôtre depuis vos premiers textes. Deux voies écopoétiques se dessinent avec encore plus de netteté ici : la première consiste à évoquer avec constance la pluie qui participe chez vous du souci de la conversation. Parler de la météo permet ainsi de tisser du lien : “Le paysage est devenu la méditation même il pleut probablement depuis le début, il pleut / sans pleuvoir”. Si Tout se tient est votre recueil poétique où il pleut le plus, est-celui également celui où l’écopoétique s’y affirme aussi bien comme un contact, le moment le plus phatique du vivant ? En quoi la météo joue-t-elle un rôle clef pour vous ?
Au début, je me suis beaucoup servi de la météo comme d’une sorte d’idéal-type de la fonction phatique du langage : parler pour ne rien dire, pour le plaisir de parler. Il fait beau, ah non ça se couvre. C’était pour moi une façon de dire que la poésie aussi parle pour ne rien dire, elle parle pour le contact, pour l’être-ensemble. C’est comme si, dans ces cas-là, la relation précédait le sens. C’est de créer de la relation qui est un sens. Je pourrais encore me placer sous le parrainage de Novalis quand il dit : « parler pour parler est la formule de délivrance ». Et puis je me suis aperçu, à force d’être attentif au rôle de la météo chez les autres (de Dickinson à Théocrite, par exemple) que la météo portait aussi un monde, soit un monde désiré, idéal, presque paradisiaque, soit un monde redouté. L’idée est sans doute de se faire un monde habitable (pour soi et pour autrui, si autrui veut) et ce monde est aussi (beaucoup) une question de climat. C’est sans doute là que vient se glisser le souci écopoétique. D’une certaine façon, le dérèglement climatique s’attaque aussi à la poésie. Mahmoud Darwich écrivait : “L’écriture poétique requiert une température stable avoisinant les vingt degrés ! Le gel et les canicules tuent la poésie !” Bon, je dirais : ça dépend pour qui, à chaque poétique son climat, mais ce qui est sûr est que le réchauffement ne me va poétiquement. Quand je dis cela, je veux simplement dire que le poème aussi est un être vivant (la plupart meurent très vite, quelques-uns durent très longtemps) et qu’il lui faut sa propre niche écologique. Quelqu’un m’a fait remarquer qu’il y avait de plus en plus d’animaux dans ce que j’écrivais et c’est un peu comme cela que je conçois le poème : une forme animale. Je suis conscient que c’est seulement une métaphore puisque le poème est un fait de langage mais cette métaphore m’est utile dans la mesure où elle désigne l’horizon de vie que je cherche à rejoindre.
A l’instar des Oiseaux favorables, le second axe écopoétique de Tout se tient renvoie explicitement à la place des oiseaux dans le vivant. Mais le vivant des oiseaux est un vivant en péril, gagné par la fragilité à laquelle il est rendu par le dérèglement climatique comme ce Rossignol qui lui-même paraît sur le point de ne jamais apparaître. Vous écrivez, notamment à propos de Pasolini, qu’“on peut dire que la poésie est aussi un pays d’oiseaux” : pourriez-vous nous expliquer de quoi il retourne ici selon vous ?
Bon il entre sûrement là-dedans quelque chose de la tradition poétique. Au Moyen Âge on parlait du “latin des oiseaux” pour désigner leur chant, il y a donc une vieille homologie oiseaux = poètes qui remonte à l’Antiquité et qui n’a jamais cessé d’être active (même quand Emmanuel Hocquard écrit un poème contre le rossignol). Et je suis quelqu’un pour qui la tradition compte, c’est-à-dire qu’elle me nourrit comme elle nourrissait Pasolini. La tradition est un impressionnant réservoir de formes. D’un autre côté, les oiseaux marquent aussi le déficit de ma relation au vivant : je suis incapable de les reconnaître à leurs chants ni d’ailleurs à leurs silhouettes ou à leur giss comme on dit. C’est comme si à leur égard il me manquait quelque chose, un égard justement, une attention à leur singularité. Mon propre manque d’égard est équivalent à celui des industriels qui les tuent par rebond avec leurs insecticides, même s’il est sans doute moins fatal. Et puis il y a encore ce phénomène qui m’attire vers les oiseaux (comme vers les poissons) : c’est celui de la volée d’oiseaux ou du banc de poissons. Quand on regarde un banc de poissons évoluer, ou une murmuration d’étourneaux, on se dit qu’ils savent vivre presque naturellement au pluriel. C’est une projection bien sûr mais ils nous indiquent sans le vouloir comme une façon de faire peuple : se conjuguer soi-même au pluriel.
Ce qui frappe également dans Tout se tient c’est sans doute la manière dont, peut-être davantage que dans vos précédents recueils, la question écopoétique enfin de l’inscription du langage dans la nature. Vos poèmes pointent incessamment combien le monde est formé des “grand érables du langage”, combien se tiennent “nos pronoms dans la sève des autres visages” : en un mot, votre poésie paraît obéir à une manière de livre du monde où se dessine “la phrase des choses”. Ainsi, lorsque vous affirmez “Il faudrait pouvoir écrire à l’allure fastueuse / des goélands”, en quoi s’agit-il pour vous de tenir la nature comme modèle même d’écriture ?
C’est une très bonne question. Si seulement j’avais la réponse. Je dirais que la nature offre des propositions de phrases : des allures, des rythmes, des tonalités, des couleurs, etc. Elle est comme un défi en disant : je suis là, seras-tu capable de me phraser et, en me phrasant, seras-tu capable de me sauver ? Bien sûr, vous me direz que la ville fait les mêmes propositions. Alors pourquoi la nature plutôt ? Le poète Jean-Claude Pinson aime rappeler la phrase du critique Paul de Man selon laquelle la poésie aurait signé un pacte pastoral, aurait une relation ontologiquement singulière à la nature. Si on va lire le texte de Paul de Man, on s’aperçoit qu’il dit que la convention pastorale est le signe de “l’éternelle séparation entre l’esprit qui distingue, nie, légifère et la simplicité originaire de la nature”. La poésie tenterait, selon lui, de suturer cette séparation. Il y a de la séparation dans la ville mais il y en a peut-être encore plus dans la nature. Chaque espèce (végétale, animale) et même les pierres en fait vivent dans des mondes autres que le nôtre, d’une certaine manière, parce que leurs façons de le percevoir diffèrent. C’est sans doute là que réside pour moi la fascination de la nature : serions-nous capables de percevoir le monde autrement (comme des goélands par exemple) et qu’est-ce que ça donnerait ? Il peut s’agir d’ailleurs de choses très concrètes, très triviales. Les oiseaux sont assez souvent bourrés de parasites et ne peuvent pas se gratter : qu’est-ce que c’est que cette démangeaison indépassable, quel effet fait-elle ? Ecrire selon la nature, ce serait peut-être être attentif aux perceptions non-humaines.
Dans Tout se tient, le poème en tant qu’entité vivante tient une place centrale, et cela peut-être de deux manières. La première consiste chez vous à personnifier le poème : le poème est un être à part entière, qui réagit, qui se meut, et qui vit à la manière d’un biotope qui aurait ses qualités propres et qu’il s’agirait d’approcher avec le plus de prudence possible. Enfin, la seconde manière consiste à offrir une poétique du poème qui se donne comme l’approche existentielle, ontologique de cet être même qu’est le poème. Pour le saisir, votre poétique du poème nomme des formes fixes, comme pour en dessiner les contours : d’où la place accordée à la forme du rondeau notamment. Est-ce ainsi qu’il faut entendre votre question presque liminaire : “Qu’est-ce qu’un poème / sinon la signature d’un accord ?”
Comme je le disais tout à l’heure, le poème est un être vivant, au moins métaphoriquement parlant, mais cette métaphore n’est pas gratuite, elle a des conséquences. Elle entraîne par exemple des contraintes d’écriture. Je ne décide jamais de ce que je vais écrire. J’attends. Je ne prémédite rien. On pourrait dire : je me tiens dans la forêt du réel et je guette. J’attends que quelque chose demande d’être écrit et puis, souvent, j’attends que quelque chose d’autre demande aussi d’être écrit et je cherche des liens entre ces choses. C’est là où les formes poétiques peuvent être d’un grand secours, même si c’est seulement le fantôme à demi effacé de formes fixes. Le rondeau par exemple a cet avantage par son refrain de créer des effets de reprise qui forme du liant ou du lien – et j’ai construit Tout se tient en pensant à ces sortes de motifs-refrain qui font retour d’un texte à l’autre : la pluie en est un exemple ou les oiseaux. Mais aussi les strophes qui ont plus d’importance dans ce livre que dans les précédents. Les strophes permettent de tenir les choses ensemble – comme on range des produits variés dans un placard. De ce point de vue, le poème est bien la signature d’un accord au sens où il cherche à s’accorder aux choses : à trouver des zones de convergence mais aussi des zones de résonance si on entend accord au sens musical.
Enfin ma dernière question voudrait porter sur la place qu’occupe désormais Pasolini dans votre réflexion poétique. Si la poésie américaine a pu tenir lieu dans vos premiers recueils de foyer actif de poétique, depuis La Cité de paroles, s’affirme le déploiement d’une poétique sur Pasolini : comment interprétez-vous sa place dans votre propre réflexion poétique ? Vous citez également Zanzotto : est-ce que finalement, vous qui avez écrit Nos Amériques, vous ne pourriez pas écrire désormais Nos Europes tant plus largement les poètes européens y occupent une place beaucoup plus importante ?
Il est vrai qu’une partie de la poésie américaine m’a largement inspiré par son intérêt pour la concrétude triviale du monde et par la liberté avec laquelle elle traitait la mise en page du poème. C’est la raison pour laquelle j’en ai traduit : essayer de mieux comprendre comment ça marchait. Maintenant ce filon de la concrétude et du présent pur semble s’être tari pour moi et je m’intéresse davantage à des écritures qui parviennent à tenir ensemble le passé, le présent et le futur. C’est bien sûr, par excellence, le cas de Pasolini mais aussi celui de Zanzotto, de Rilke, de Mandelstam ou d’autres encore. Ce que je trouve intéressant chez ces écrivains européens est qu’ils font de la nostalgie une force pour le futur. Chez Pasolini (et aussi chez Zanzotto, je crois) il est évident que le regret de la civilisation paysanne lui permet de penser un moyen d’échapper au capitalisme médiatique. “Sono una forza del passato” dit-il. Je suis, non pas le passé, mais une force du passé. Je ne sais pas si je regrette quelque chose d’aussi précis (sinon d’avoir été jeune) mais faire du passé une puissance de proposition, une force de vie et d’utopie, voilà qui me semble politiquement intéressant dans ce moment amnésique qui est le nôtre.

Stéphane Bouquet, Tout se tient, P.O.L., avril 2025, 128 pages, 18 euros