
Film « hantique » de l’imaginaire de Sandra Moussempès depuis ses premières publications, Mulholland Drive est une expérience rencontrée sur la route de la poésie. Croiser dès lors les fréquences d’un cinéaste et d’une poétesse, c’est ouvrir l’image à l’écriture et l’écriture à l’image. Un corps à corps du sensible, radical, total. Souvenir d’amour toxique, d’emprise, de méprise. Tout est vaste comme la nuit quand on écrit. Le vertige des profondeurs est sollicité ici où un jeu tisse sa trame entre le Cecil Hotel et les deux inconnues l’une à l’autre que sont Rita et Betty, les protagonistes du film de Lynch. Fantasmer les fantômes et repalper la réalité perdue, Fréquence Mulholland est cette décharge de voix qui libère les mots, « faire la peau à Silencio », c’est dit, c’est écrit.
Lynch-Moussempès, Moussempès-Lynch, des portes s’ouvrent, des fenêtres éclatent, le feu atteint la surface des rideaux en velours épais, rouge sur rouge. Comme les lèvres qui s’embrassent des « sœurs spirites », comme la goutte de sang au coin de la bouche vampirique d’une figure masculine nuisible, rouge sur rouge, comme la révolution sororale qui pourrait advenir.
Extrait de Fréquence Mulholland :
Je me suis trompée de film je me suis trompée de corps
Je me souvenais de la scène sexuelle
Ce n’était ni au Cecil Hotel
Ni dans Lost Highway
Cette scène m’avait longtemps marquée
On ne voyait pas le visage des héroïnes ni leur esprit
Les sœurs spirites ne revendiquaient aucune sororité
Loin de là

Elles écrémaient les bars à la recherche d’un homme
Elles voulaient faire la peau à Silencio
Ou bien le récupérer
Un sale été, à broyer du noir
(Alors qu’il était sûrement dans une de ces chambres du Cecil Hôtel
En train de concasser des débris de vérité)

Sandra Moussempès, Fréquence Mulholland, éditions MF, septembre 2023, 116 pages, 18 euros